Au cours d'un règlement de comptes entre yakuza, la boss d'un clan sabre par erreur les yeux d'une jeune femme. Elle se retrouve alors victime de la malédiction d'un chat noir qui a léché le sang s'écoulant des plaies de la victime. Quelques années plus tard, ses hommes sont progressivement décimés par les intrigues d'un clan yakuza adverse qui s'avère avoir fait alliance avec la jeune femme aveugle, désormais experte en escrime et en magie noire.
Étrange foutoir que ce film de Teruo Ishii qui navigue entre ninkyo eiga avec ses affrontements meurtriers de yak' pour la suprématie mafieuse sur un territoire et récit d'horreur hérité de sa période ero-guro. Si l'aspect historique de Blind Woman's Curse souffre d'un montage parfois elliptique et de la caractérisation faiblarde de certains personnages (Makoto Sato dont on ne comprend pas trop l'implication), perdant un peu son spectateur en cours de route, il réserve néanmoins de belles prestations : Meiko Kaji travaille son jeu d'acteur intériorisé, en miroir de Hoki Tokuda, impériale de classe en sabreuse aveugle, vengeresse et manipulatrice. A l'opposé, Ryohei Uchida incarne un personnage au look frappadinge, vêtu d'un chapeau melon, d'une chemise et d'un gilet pour le haut, d'un simple pagne rouge pour le bas, lui laissant le cul à l'air, un panorama sur lequel le caméraman n'hésite jamais à zoomer. Un style vestimentaire qui m'évoque irrésistiblement les auto-portraits Orange Mécanique de Gotlib !
S'il est toujours plaisant d'assister aux ébauches rougeaudes du genre (le carnage final est généreux en hémoglobine) et aux tatouages inventifs des yakuza (en l'occurrence, un dragon réparti sur le dos de 5 personnes devant se mettre côte à côté pour le reconstituer), la véritable force du film est sa coloration horrifique. Inspiré du mythe du kaibyo, la femme-chat vampire, le script convie le fantastique et l'étrange au travers de la prestation complètement démente du danseur Tatsumi Hijitaka, accompagné de sa troupe. Celui-ci est ainsi l'inventeur du "Buto des ténèbres", une danse mettant en avant le grotesque et le difforme, qu'il emploie dans le film lors d'une séquence hallucinante de cabaret mais qui imprègne tout son personnage.
Blind Woman's Curse souffre donc autant de ne pas savoir choisir son genre qu'il en tire sa force, proposant une expérience riche en idées visuelles et en ambiances inhabituelles. A voir ne serait-ce que pour Hijikata.