Blindspotting est le premier long métrage de Carlos Lopez Estrada, mais il n’est pas un amateur puisqu’il a déjà réalisé plusieurs courts métrages et des clips de musique comme le dernier titre de George Ezra, « Shotgun ». Cependant le scénario n’est pas de lui puisqu’il fût écrit par les deux acteurs principaux : deux amis d’enfance qui voulaient mettre en avant leur ville Oakland en abordant différents thèmes comme le racisme, la gentrification ou encore la violence policière.
Au casting, et donc au scénario, on retrouve Daveed Diggs principalement connu pour ses talents de rappeur et ses multiples apparitions dans des comédies musicales, qui ici interprète Collin. Le rôle de Miles est, quant à lui, campé par Rafael Casal dont c’est le premier rôle mais il sera à l’affiche du film Bad Education qui sortira l’année prochaine.
Mais de quoi parle concrètement Blindspotting ? Il ne reste que trois jours à Collin avant la fin de sa liberté conditionnelle. En attendant, il travaille comme déménageur avec Miles, son meilleur ami à Oakland. Mais lorsque Collin est témoin d’une bavure policière, il n’a plus d’autres choix que de se remettre en question pour prendre un nouveau départ.
Maintenant, rentrons dans le vif du sujet. La photographie est intéressante et colorée, le générique du début avec l’écran coupé en deux verticalement est une bonne introduction puisqu'il nous offre la découverte d’un Oakland multiculturel. De plus, c’est dans cette ville que le Black Panther Party fût fondé en 1966 et cela donne une autre épaisseur au film. En 1966, c’était un lieu de résistance or de nos jours, cela n’a pas changé, il y a toujours du racisme ordinaire. J’ai beaucoup apprécié la première scène ayant des allures tarantinesques. Les personnages sont filmés en plan serré dans une voiture avec des dialogues bien écrits et drôles. Les thèmes du film sont directement énoncés : la gentrification (embourgeoisement de certains quartiers d’Oakland, on le voit après dans le film via la soirée « hipster », le fast-food vegan ou encore la boisson « healthy ») et les luttes raciales/ le racisme (suite à cette scène, Collin est témoin d’un meurtre d’un homme noir par un policier blanc, il en sort profondément choqué et partagé entre agir et ne rien faire pour ne pas compromettre la fin de sa liberté conditionnelle). Le racisme est d’ailleurs montré à plusieurs niveaux : une soirée où il n’y a aucune mixité sociale mais aussi dans leurs vies quotidiennes et même au sein du duo. Ce sont deux meilleurs amis mais l’un est noir et l’autre blanc et on voit bien qu’ils n’ont pas les mêmes privilèges, même s’ils restent soudés. En parlant d’eux, les acteurs qui les jouent sont excellents, on les sent investis dans leurs rôles et on voit qu’ils tiennent vraiment à leur ville. La mise en scène est également très bonne. La meilleure scène
reste la confrontation entre Collin et le policier responsable de la bavure du début de film. Collin y fait son monologue en slamant/rappant, il dit tout ce qu’il a sur le cœur, la scène va en crescendo et on voit que c’est un vrai exutoire pour lui.
Une autre scène de tension a lieu plus tôt dans le film
dans laquelle Collin rentre chez lui avec une arme qui n’est pas à lui dans sa poche puis tout à coup des gyrophares de police s’allument dans le fond. La pression monte au fur et à mesure qu’ils se rapprochent et on se sent vraiment impliqué dans le sort de Collin.
En conclusion, Blindspotting est une critique touchante et drôle, grâce à un excellent duo d’antihéros, mais aussi réaliste et terrifiante des Etats-Unis de nos jours.