Blood Diamond par Sheffie

Les critiques que j'ai lu m'ont laissé pantois. Dans mes souvenirs, Blood Diamond était un bon film, malgré les clichés. Mais je ne le voyais certainement pas manichéen. J'ai donc décidé de le revoir. Et à ma grande surprise, tous les efforts du monde n'ont pas suffi à m'empêcher d'apprécier le film tout en gardant en tête les descriptions peu élogieuses de ceux qui m'ont précédé.

Commençons donc par le commencement.

Comment peut-on dire qu'un tel film est manichéen ? La définition du mot (dans sa version la plus basique): Qui sépare, sans nuance, le bien et le mal. Dois-je en conclure qu'un Danny Archer partagé entre sombre connard et homme de foi est complètement blanc ou complètement noir? [SPOILER] Le fait que Solomon Vandy, père de famille tranquille et pacifique, défonce le crâne d'un RUF à coup de pelle par pur sentiment de vengeance [/SPOILER] est il dénué de nuance ? L'enfant innocent qui devient soldat, pareil. Je cite également Maddy Bowen: "Pourquoi devrais-je choisir de ne sauver qu'une seule vie alors qu'il y en a tant d'autres à sauver ?" Et qui se reprend, "Je n'arrive pas à croire que j'ai dis ça". L'usage même du mot manichéen dans un tel cas relève d'avantage du pédantisme et de la masturbation mentale que d'un quelconque bienfondé ou d'arguments valables. Et que l'on ne me dise pas que le film se limite à un combat entre le méchant borgne et les gentils Vandy et Archer, car ce n'est pas vrai.

Quant aux "clichés" dont certains s'empressent de parler avec tant d'éloquence, sans même prendre la peine de les illustrer, j'imagine que les quelques phrases ci-dessus leur serviront certainement de base. Oui, l'enfant soldat. Oui, le père pêcheur persécuté. Oui, la RUF qui massacre son propre peuple. Oui, le militaire Sud-Africain reconverti en mercenaire trafiquant de diamants. Oui, la journaliste impuissante et vaine devant ce scénario. Oui, oui, oui, oui. J'affirme et je confirme. Car si on retire ces aspects de guerres ethniques et civiles aux conflits qui ont lieu en Afrique, alors autant ne pas faire de film à la base.

Alors certes, ok, il est vrai que le film se perd un peu dans la seconde partie, en diminuant la portée politique et en favorisant l'action entre un RUF borgne perçu comme "THE" méchant, et les gentils Vandi et Archer. Mais je ne pense pas que ça soit le sujet ici. Car maintenant que j'ai contre-argumenté (bien ou mal, au final je m'en fous un peu) les avis des autres, à moi de donner ma propre vision.

Sur le fond, Il n'y a pas grand chose à dire. Effectivement, ceux qui avaient en tête de voir un film politique et complexe sur les dessous des guerres ethniques Africaines n'avaient qu'à mieux regarder l'affiche du film ou la boite du dvd avant de le visionner, car il ne suffit que d'un coup d'oeil pour s'apercevoir que ce n'est pas le cas. Blood diamond est un film d'action. Pas grandiose, mais qui se tient. L'histoire est simple, assez pour le public qu'elle vise: la grande famille des décérébrés d'Hollywood, dont je fais joyeusement partie. Il y a des coups de feu, un héros charismatique et qui remplit son rôle de connard tout le long. [SPOILER] Oui, même jusqu'à la fin: cf l'attaque hélico qui démontre bien que Archer n'en a rien à foutre du gosse de Vandy, ainsi que l'extirpation du diamant à ce dernier, alors que notre cher militaire est en train de crever sur place. [/SPOILER] Il reste cupide malgré les bonnes intentions et les égards qu'il a vis à vis de notre belle journaliste. Et c'est là que le film tire sa force. La psychologie des personnages est clairement définie, et extrêmement bien investie par des acteurs dévoués. Pas de mièvreries sentimentales, tout le monde se sert de l'autre pour arriver à ses fins, en essayant de se justifier par l'intermédiaire d'une fatalité malheureuse, mais présente ("TIA"...). Vandy se méfie d'Archer, Archer méprise Vandy, Bowen apprécie Vandy car il est un bon sujet d'article... Bref, c'est un cercle vicieux d'intérêts entremêlés qui maintient un status quo fragile entre les divers personnages. Ce qui n'empêche pas d'ajouter des scènes de trêve à cet opportunisme caractéristique. Je pense notamment aux scènes de pseudo-romance entre Bowen et Archer, ou de camaraderie entre Vandy et Archer ("You ask a hell of a lot of questions my man"). Des trêves qui ne durent jamais bien longtemps, et qui se résument vite à l'intérêt cupide et "égoïste" des protagonistes.

La forme appuie le fond. Les paysages aidant, le spectateur se retrouve clairement immiscé au sein de ce monde à part. Les scènes d'action sont convaincantes, quoiqu'assez brèves, et parsèment l'histoire de sorte à ne pas laisser de vide trop long entre une séquence et une autre. Une fois de plus, je maintiens que les acteurs sont bons. Leonardo Dicaprio a beaucoup évolué depuis Titanic (j'aurais pu mettre "ses débuts", mais non). Il a adopté l'accent Suf Africain avec une simplicité déconcertante, et il a gagné une lueur dans les yeux qui a elle seule l'a rendu digne des films de Scorsese. Jennifer Connelly est à l'aise dans son rôle de reporter chiante et collante, tandis que Djimon Hounsou assume un rôle difficile pour un mec de sa carrure: on l'aurait plus vu avec un bazooka dans les mains, vociférant des cris de guerre façon RUF.

Au final, Blood diamond est un film sans plus de prétention qu'un autre, mais ficelé de manière à ce que l'on profite d'une histoire et d'un contexte particuliers sans devoir être sur Wikipédia les 3/4 du temps pour comprendre les enjeux géopolitiques du trafic de diamant en Sierra Leone. Efficace, en somme, et ce malgré tout le négativisme que ce film engendre et qui est une conséquence directe de son propre succès et de sa nomination aux Oscars. Et Dieu sait que j'ai eu de nombreuses mauvaises expériences avec les films "de guerre" se déroulant en Afrique. Alors pour une fois qu'un tel film ne se perd pas dans la moralisation pure et dure, ou la revendication de certaines valeurs morales complètement débiles et obsolètes, ou encore dans un dédale d'enjeux politiques en tout genre, je ne peux que baisser mon chapeau et applaudir.