Le cinéma d’action vietnamien n’est pas celui qu’on connait le plus sur la scène internationale, la faute à de trop rares sorties souvent assez confidentielles et surtout à des moyens techniques et budgétaires plus que limités. Pourtant, ces dernières années, deux films ont réussi à tirer leur épingle du jeu et à s’exporter un peu partout à travers le monde. Il s’agit de The Rebel (2007) et Clash (2009), et tous les deux ont en commun un nom aux chorégraphies : un certain Johnny Tri Nguyen, qu’on retrouve également au générique du film qui nous intéresse ici, Blood Letter. Blood Letter, c’est un des plus gros budgets de tous les temps alloués à un film vietnamien. Il est l’adaptation d’une nouvelle populaire de Bùi Anh Tấn intitulée « Bức Huyết Thư », une histoire de conspiration au sein de la famille royale. Un film en costumes donc, reprenant tous les codes des wu xia pian que les amateurs de péloches HK connaissent bien, qui, malgré son esthétique quasi irréprochable et ses scènes d’action réussies, n’atteint pas les sommets espérés.
Blood Letter ne brille pas par l’originalité de son scénario et les habitués de ce genre de productions ne seront absolument pas dépaysés. On retrouve les thèmes classiques : trahison, vengeance, justice, amour,… Difficile il est vrai de proposer quelque chose de très original tant le genre a été usé jusqu’à la moelle par le ciné HK depuis plusieurs dizaines d’années, mais même au niveau des personnages c’est du vu et revu. Victor Vu a beau essayer de les développer comme il peut avec quelques flashbacks stylisés et de nombreuses scènes d’interactions entre eux, ils sont bien trop stéréotypés pour retenir réellement l’attention et qu’on s’attache à eux.
Le problème c’est que Blood Letter souffre d’un rythme un peu chaotique et d’un scénario qui manque clairement de souffle. Les scènes de parlotte ont beau ne pas être inutiles, dans le sens où elles véhiculent correctement les éléments et informations indispensables à l’histoire, leur dosage avec les scènes d’action est bien trop inégal, créant un rythme en dents de scie qui, malgré la relative courte durée du film, risque d’ennuyer certains spectateurs un poil trop impatients de découvrir les jolies scènes d’action que la bande annonce nous promettait. D’autant plus que l’ensemble n’apporte donc guère de surprise, et qu’on devine assez rapidement les retournements de situations auxquels on va assister au bout d’un moment. La trahison d’un des personnages est visible tel un bouton au milieu du pif et la future histoire d’amour entre notre héros et sa belle ne laisse aucun doute dès la première seconde où les deux vont se croiser.
Mais heureusement, Blood Letter a tout de même quelques cordes à son arc, à commencer par un visuel des plus enchanteurs. Le Vietnam est considéré par beaucoup comme l’un des plus beaux pays du monde, et force est de constater, quand on voit ces magnifiques paysages et temples, qu’ils ne doivent pas être bien loin de la réalité. La photographie est tout bonnement magnifique et les costumes font honneur au genre sans aucun souci, si ce n’est à une ou deux reprises une épaulette un peu branlante, mais rien de bien grave. A noter une excellente bande originale qui accompagne parfaitement les somptueuses images qui nous sont proposées.
Enfin, parlons des scènes d’action, élément essentiel à tout wu xia pian qui se respecte. Un soin tout particulier y a été apporté et on sent que le chorégraphe Johnny Tri Nguyen a voulu faire les choses correctement. Même si les ralentis sont à mon gout un peu trop nombreux, certains enchainements envoient du lourd, avec un montage et des plans de caméras qui leur rendent honneur. Tout comme dans The Rebel et Clash, les chorégraphies sont travaillées et le résultat à l’écran n’en est que plus réussi. Leur style est néanmoins très différent. Là où les combats des deux films précités se voulaient plutôt réalistes, dans Blood Letter on est dans un pur style aérien, façon Tigre et Dragon. Ca fait des bonds de 10mètres, ça virevolte, ça court sur les murs,… les habitués du genre n’y verront aucun inconvénient mais les néophytes risquent peut-être d’avoir besoin d’un petit temps d’adaptation (surtout lorsque le héros s’essaie à la technique que je surnommerais du « hadoken » ou du « kamehameha », ceux qui ont vu le film comprendront).
Pour une première incursion vietnamienne dans le film de sabre fantaisiste, Blood Letter s’en sort honorablement. Tout est loin d’être réussi, mais le visuel enchanteur et les bonnes scènes d’action font qu’on se trouve en présence d’un chouette divertissement assez grand public pour être découvert par tous.
Critique originale ICI