Blow Out
7.6
Blow Out

Film de Brian De Palma (1981)

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Mon rapport à Blow Out se décompose en 2 visionnages clés.
Le premier, il y a environ 2 ans et demi, après avoir vu un extrait en cours de sémiologie. À cette époque, j’aimais déjà beaucoup De Palma, mais seulement pour sa “trilogie”sur les gangsters. J'apprécie le film (7/10) pour ce que je pense voir: un film de genre efficace.
Le deuxième, il y a environ 6 mois, alors qu’il est devenu un de mes réalisateurs préférés, et que je suis devenu absolument dingue du Nouvel Hollywood et particulièrement de l’effet de l’assassinat de JFK sur le cinéma américain. Là, je comprends toute la portée politique du film mais je tombe aussi sous son charme simplement parce que c’est typiquement un film de De Palma. J’y vois tout ce que je veux voir(en regardant un de ses films, bien sûr).


Et ce n’est pas simplement du fanboyisme. Je n’aime pas le film aveuglément parce que j’aime son auteur, mais parce que c’est l’oeuvre d’un auteur. Le mot est choisi.
Je fais référence à la Théorie des Auteurs (appelée Politique des auteurs en France, le terme est utilisé pour la première fois par François Truffaut dans les Cahiers du Cinéma en 1955) qui consiste à placer le réalisateur au centre d’un film, en développant l’idée que celui-ci aurait une vision personnelle, articulée notamment à travers plusieurs oeuvres constituant sa filmographie, et que donc, chaque film devrait étudié en prenant en compte les autres oeuvres de l’auteur pour en être apprécié à sa juste valeur.
Au moment où je (re)regarde le film, j’ai déjà vu plus de 10 films de De Palma donc je commence à bien le connaître le monsieur. Ainsi, Blow Out — d'ailleurs écrit par le réalisateur lui même — est pour moi un film extrêmement personnel qui résume très bien son cinéma.


Le film est une réponse à l’assassinat de JFK le 22 novembre 1963, mais c’est surtout une relecture de l’analyse du film muet de Zapruder d’1 minute tourné en Super 8 enregistrant cet assassinat, et étant le seul matériaux qui pourrait permettre d’identifier ceux derrière ce meurtre, prouvant ou écartant tel ou tel théorie. Cet événement bouleversera évidemment tous les artistes de l’époque et De Palma fera parti des cinéastes les plus touchés, avec sans doute Arthur Penn et Alan Pakula, déclarant lui même qu’il en est “obsédé”.
Blow Out, c’est cette analyse avec du son en plus, bonus qui aurait éventuellement permit de savoir ce qui s’est vraiment passé. Il réalisera plus tard en 1998 Snake Eyes, qui traite encore une fois cette analyse mais en y ajoutant non pas un fichier sonore mais d’autres points de vue, comme si d’autres personnes en plus de Zapruder avait filmé l’assassinat.
Vous l’aurez compris, ne pas replacé Blow Out dans son contexte historique, c’est passer à côté d’une grosse partie du film, parce qu’en plus de JFK, le film fait aussi écho au climat de paranoïa instauré à cause du scandale du Watergate arrivé 5 ans plus tôt que Pakula expliquera en détail dans All the president’s men, ainsi qu’aux affaires liés à la manipulation des images médiatiques de l’après guerre du Vietnam. Cette manipulation est montré au début du film pendant un magnifique split screen, technique chère à De Palma, montrant d’une part Jack en train de manipuler ses sons, et le journal télévisé de l’autre.
(Je n’arrive pas à croire que le fait que Sally soit maquilleuse ne soit pas ironiquement en rapport avec tout ça, surtout quand on voit la façon dont elle en parle.)


J’évoquerai seulement que le titre du film est en référence à Blow up, le film d’Antonioni de 1966, qui influença pas mal De Palma mais sans m’attarder dessus, étant donné que si ce n’est le fait que les 2 films placent leur personnage principal à la place de Zapruder (c’est à dire à la place d’un individu captant un meurtre (photo ou fichier son) sans le vouloir, et étant les seuls à détenir une quelconque preuve permettant l’analyse), les films sont très différents.


Comme tout film de De Palma qui se respecte, le film parle de voyeurisme, ou en tout cas, présente un personnage voyeur. Un thème qui lui est cher puisqu’il a lui même vécu quelque chose d'exceptionnel: Il a observé son père trompé sa mère avec une autre femme, par la fenêtre donc, après l'avoir suivit.
Aussi, la façon dont Thomas dans Blow Up ou Jack dans ce film enregistre/photographie le couple est simplement et typiquement voyeuriste.
De manière générale, le cinéma, n’est-il pas un art voyeur? Observer des personnages à leur insu, dans la vie de tous les jours. Le spectateur est un voyeur. Cette notion déjà traité dans Peeping Tom, le film de Michael Powell que De Palma cite comme une de ses références (avec Hitchcock et d’autres évidemment, étant un cinéaste extrêmement cinéphile et référencé) qui déjà donnait au spectateur cette position de voyeur/tueur grâce à l’utilisation des plans en POV, autre technique chère à De Palma, est au coeur de son cinéma et entre voyeurisme et violence, il n’y a qu’un pas.
Ceci expliquant la présence permanente de violence dans ses films, souvent sanglante. Il s’en justifie en disant que le cinéma est un art visuel et qu’en tant que réalisateur, il a envie de faire des scènes visuelles fortes et qu’un certain nombre de ces scènes s’avèrent être violentes. La violence présentée n’étant jamais glorifier, on a du mal à comprendre les polémiques s’acharnant sur ses films notamment Scarface, Tony Montana étant punit de la plus grave des sanctions: la mort, et dans sa suite spirituel L’impasse, Carlito faisant tout pour éviter de retomber dans ce monde de violence.


Ses personnages principaux sont d’ailleurs souvent des marginaux, en dehors du système. Incapables de s’y adapter, volontairement exclu ou en opposition, ils sont le reflet des rapports difficiles qu'entretenait De Palma avec ce système et les sociétés de production. Un rapport compliqué qu’il subira à moindre mesure sur ce film, l’amenant davantage vers le film d’action que prévu à l’origine, mais c’est surtout sur Phantom of the paradise que le réalisateur s’exprimera le plus: en 1947, juste avant de tourner ce dernier, De Palma travail pour la Warner sur Get to know your rabbit et même s’il est plutôt satisfait du film, la société de production massacre le film au montage. Phantom sera la conséquence de ce traumatisme.
Le système dans Blow Out, c’est ceux à l’origine de cet assassinat politique ainsi que ceux qui font en sorte que le vérité ne soit pas éclaté au grand jour. Et le système est vaste et puissant. L’idée est parfaitement imagée dans le panoramique circulaire où Jack se rend compte que sa bande à été effacée, le mouvement de caméra soulignant l’idée d’un personnage pris au piège par des forces trop grandes pour lui, le plan aérien venant juste après achevant d’appuyer l’insignifiance de Jack.


Blow out, c’est tout ça.
C’est réussir à faire un film efficace, un thriller à suspens de qualité avec toute la maestria qu’on connaît à De Palma, avec de la romance pas niaise et de l’humour grâce à l'autodérision faite sur le genre. Blow Out, c’est tout ça, sous couvert d’un film politique profond. Et à notre époque où on ne fait que justifier la débilité de tel ou tel film en accusant les studios de productions, c’est un vrai tour de force d’arriver à garder son identité, de faire passer son message, tout en faisant en film accessible. L’argent et l’art sont les revers de la même pièce, particulièrement dans une industrie comme le cinéma, et peu peuvent se vanter de combler les 2. Brian De Palma, en vrai auteur, le peut.

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le 23 août 2016

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Ghettoyaco

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