Quelle étrange expérience que fut ce visionnage de ce Blow-Up. La lecture d’un synopsis intéressant attira mon intérêt et pourtant, le plongeon dans la découverte dans ce film fut très pénible, virant presque à la noyade. Entre ennui et frustration, je m’interrogeais sur les raisons du succès de ce film, sur ma capacité à avoir capté son intérêt, ce n’était pas très clair… En réalité, je finis par comprendre que mon expérience était juste, mais mes attentes erronées.


Le film raconte l’histoire de Thomas, un photographe professionnel vivant dans le Londres des années 1960. C’est un homme froid, mystérieux, assez impulsif et imrpévisible, mais sans histoires. Son quotidien est assez répétitif, et c’est au détour d’une promenade dans un parc qu’il tombe sur un couple qui s’enlace et s’embrasse. Aussitôt, il se saisit de son appareil photo et prend de nombreux clichés du couple. La femme vient à sa rencontre pour lui demander de lui donner les photos et de les détruire. Son empressement, sa panique et son air intrigué surprennent Thomas et suscitent sa curiosité. Après avoir développé les photos, il est persuadé d’avoir assisté à un meurtre.


Blow-Up s’afficherait facilement comme un intrigant polar où un homme lambda se retrouve détective malgré lui et enquête sur une affaire qui le dépasse. Il ne s’agit en réalité pas du tout du sujet du film, sinon Michelangelo Antonioni n’aurait pas attendu la moitié du film pour déclencher son élément perturbateur et abattre ses cartes. Ce fut d’ailleurs une des principales causes qui m’ont mené à ne pas pouvoir apprécier ma séance, le synopsis ayant biaisé mon visionnage et mes attentes vers une histoire tout à fait différente. En réalité, Blow-Up est un film singulier s’articulant entre les non-dits et la libération des mœurs. Dans ces sixties flamboyantes et libérées, l’imagerie sexuelle est de moins en moins tabou. Les seins se dévoilent, la nudité ne surprend plus. En rupture totale avec le cinéma hollywoodien des années 50, souvent marqué par des œuvres puissantes mais « traditionnelles », Michelangelo Antonioni vient ici s’inscrire dans une mouvance plus expérimentale, rebelle, rappelant les Godard en France avec des films tels que Pierrot Le Fou (1965) ou Dennis Hopper avec son futur Easy Rider (1969).


Les corps se dévoilent plus mais, paradoxalement, l’histoire, le discours du film, se cache davantage. Le but n’est plus de simplement mettre sur pellicule une histoire et de la raconter, mais de la camoufler, de tourner le spectateur en bourrique. En conditionnant ainsi notre esprit, Blow-Up prend une toute autre dimension. Le meurtre dont a été témoin Thomas, qui ne peut être qu’une évidence au vu des réactions de la femme, et de ce qui nous est exposé, a-t-il finalement bien eu lieu ? Ne serait-il pas tout simplement le fruit de l’imagination et d’une quelconque obsession de Thomas ? Le meurtre, ainsi remis en question, n’est qu’un levier nous faisant explorer la conscience de Thomas, et le monde dans lequel il vit, entre chamboulements culturels et remise en cause d’un système devenu obsolète.


Blow-Up fait partie des films qui soulèvent des questions sans réellement apporter de réponse. A l’instar du photographe, il met sur pellicule des images, avec, probablement, la volonté de servir une idée derrière, de leur apporter un sens, mais nous ne pouvons le connaître. Dès lors, le film devient un terrain de jeu pour des yeux observateurs et intrigués, qui voient ce qui leur est montré, mais qui tentent au maximum de discerner l’indiscernable, comme Thomas tente de le faire en cherchant à montrer grâce à ses photos les preuves d’un meurtre issu de son imagination. Mon cœur me dit que ce film, hélas, a paru très long malgré sa durée, et n’a pas su me passionner. Ma raison, cependant, me fait penser que ce film a un intérêt certain, et méritera de nouveaux visionnages, malgré le fait qu’il puisse rebuter nombre de spectateurs curieux, et je ne pourrai le leur reprocher. Avis aux curieux, gare aux pressés !

JKDZ29
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le 12 avr. 2017

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JKDZ29

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