Le personnage principal est pour une fois un homme dans le cinéma d'Antonioni où jusque-là les héros avaient été des héroïnes. Il est arrogant, égoïste, manipulateur, machiste, le genre de parasite qui profite outrageusement des autres, des femmes en particulier. Antonioni s'en sert à la fois pour critiquer le pouvoir que s'octroie une forme de masculinité violente mais aussi le détachement de l'artiste face au monde qui l'entoure.
Merry Makers : élément récurrent du film qui servent à présenter un contraste. Ce sont des mimes (par définition sans parole) toujours en joie et habillés de façon colorée, archétypes des jeunes du Swinging London des années 60, qui s'opposent dès la première scène aux sans-abris qui sortent du foyer dans leurs vêtements aussi usés que leurs corps, et aux bonnes sœurs et au garde de la Couronnes dans leurs tenues uniformisées qui représentent l'ordre établi. De plus, leur silence renvoie aux longs moments de silence du film qui sont des scènes clés où le protagoniste découvre des éléments essentiels à l'énigme.
Le monde autour du protagoniste semble tomber en ruines: non seulement il y a cette pauvreté, mais les bâtiments ont l'air de s'écrouler autour de son domicile, les couleurs sont ternes, l'herbe semble sèche, le tout servant à montrer que le héros vit dans un monde imaginaire, celui des artistes éloignés de la réalité, réalité qui lui revient en pleine figure avec l'histoire du meurtre. La nature n'intervient que lorsqu'il se retrouve dans le parc, bien que ce soit une nature artificielle car maîtrisée par l'homme.
Le travail de l'artiste: de nombreux plans sont inspirés du style photographique puisqu'un des sujets du film est la photo. La mise-en-abyme est évidente puisque l'on a un réalisateur qui filme un photographe en train de photographier. Parfois nous voyons exactement ce qu'il photographie, parfois nous le voyons en train de photographier, notamment lorsqu'il s'agit des clichés du couple et du mystère du meurtre. (On ne peut s'empêcher de penser qu'en anglais le mot "blow up" fait référence à la technique de développement de la pellicule et les agrandissements que l'on peut en faire, métaphore du pseudo enquêteur qui se rapproche de plus en plus du dénouement de l'intrigue, et que "shoot" signifie à la fois filmer et tirer au pistolet, et que le film est aussi basé sur un crime.) De plus, un des artistes présentés est aussi un peintre abstrait dont les répliques sur son art font écho au travail d'Antonioni, notamment sur la question de l'art et de la réalité.
La scène du shooting avec la célèbre mannequin Verushka représentée comme une scène d'amour passionnée entre les deux personnages est restée célèbre. On y voit surtout entre les deux "amants" un appareil photo, machine de métal froide qui nous rappelle que tout cela n'est qu'artifice, et le réalisateur le confirme quand le photographe se relève et s'en va, laissant la femme au sol comme un vulgaire objet. Aux yeux du photographe, toutes les femmes sont des objets en réalité, des moyens pour une fin, prêtes à tout accepter pour un homme de pouvoir.
Le seul personnage féminin qui semble plus insaisissable est celui de Vanessa Redgrave, la femme au cœur de l'intrigue. En sa présence, il se plaint d'être la victime des autres femmes, ce qui est la réplique probablement la plus ironique du film. Même si elle semble vulnérable au premier abord, c'est cette apparente impuissance qui font d'elle un personnage complexe.