D'une grande rigueur esthétique (on se rappelle qu'Antonioni fit repeindre les pelouses dans le vert qu'il voulait) au service d'un propos métaphysique assez vertigineux (le sentiment poignant de l'effacement de la réalité), "Blow-Up" est LE chef d'oeuvre sur l'illusion du réel. Mais Antonioni prouve ici son extrême sensibilité à l'air du temps, en situant son film en plein milieu des swinging sixties frivoles et pop, magnifiquement filmées (l'atelier de l'artiste où défilent mannequins et starlettes, la BO d'Herbie Hancock, le furieux concert des Yardbirds). "Blow-Up" est en outre le film le plus facile d'accès d'Antonioni, en dépit de son intrigue policière totalement "théorique" (qui convient d'ailleurs mieux à un Brian De Palma, comme le remake "Blow Out" l'a prouvé...) et de son traitement magnifiquement formaliste : des scènes comme celles du parc, ou encore du développement des photos, totalement silencieuses, constituent certainement des moments de pure perfection cinématographique. [Critique écrite en 1995]