Blue My Mind
6.6
Blue My Mind

Film DTV (direct-to-video) de Lisa Brühlmann (2017)

Non ! Vous ne rêvez pas ! C'est bien Cosmic M qui reprend du service en tant que critique ! Mais qu'est-ce qui s'est passé depuis ? Presque un an sans rien écrire (voir un an...vu que mes 2 dernières critiques sont arrivées en septembre et n'étaient pas prévues). Et bien un film incroyable. Il y a des années, quand j'ai vu le film apparaître, je l'avais qualifié de sous-Thelma tant les films étaient similaires dans leur bande annonce (à savoir une ado paumée et timide qui découvre qu'elle est extraordinaire, qui a une relation lesbienne et au final accepte son don). Du coup, je n'avais pas pris le temps de me pencher sur le film. Finalement, comme tous les ans à cette période, je traque les films de Sirènes. Donc après avoir vu le plutôt cool Sirène à Paris (qui aura sans doute sa critique parce que bizarrement, ça ne se bouscule pas non plus pour lui sur internet), je me suis rattrapé sur Blue My Mind, relégué en e-cinéma et c'était une belle erreur. On a en face un film extraordinaire à ranger à coté de Thelma qui se révèle à la fois semblable mais aussi différent.



Killing the Mermaid



La réalisatrice du film est Lisa Brühlmann, réalisatrice qui a mon âge mais qui est surtout connue de la Suisse alémanique en tant qu'actrice et dont c'est le premier film. Si vous ne la connaissez pas, c'est hélas normal car elle est à la base une actrice et qu'elle n'a tourné qu'en Suisse (dommage car elle est canon). Cela dit, il y a une série que vous connaissez bien et dont vous avez remarqué son style : Killing Eve dont elle en a réalisé 2 épisodes de la saison 2 (épisodes 3 et 4). Et ce film est vraiment bien réalisé. On pourrait croire que son style est bien trop sombre et austère, mais en réalité, il sied très bien au film. L'imagerie possède tantôt de la lumière naturelle, tantôt une teinte bleuté. Après un début caméra à l'épaule assez limite façon Werner Herzog, le film se pose et décolle lentement. Et on se laisse bercé par le film. Le son qui était absent au début du film se fait bien plus remarquer et la mise en scène centrée sur l'héroïne se fait très intimiste voire poétique. Cela fait bien longtemps que je n'ai pas vu de film qui suit un personnage tout le long. Le film accompagne Mia du début à la fin et suit son évolution (on en parlera après). Ici, on a pas le conte façon une Sirène à Paris. C'est un vrai drame sur l'adolescence qui se joue devant nous et ce qui aurait pu tomber dans le cliché chiant se révèle très prenant au bout du compte. Abordons maintenant les personnages.



Mia l'humaine Vs Mia la Sirène



L'héroïne du film est Mia jouée par Luna Wedler. Il s'agit d'un personnage d'adolescente typique qui est mal à l'aise dans son lycée : Nouvelle classe, nouveaux camarades, parents absents, crise d'ado, vous connaissez la chanson. Donc évidemment, on a les clichés de la rébellion, des mauvaises fréquentations, des émois amoureux, de la volonté de s'intégrer, drogue , alcool, sexe, mensonge, vous compléterez la liste en bas. Mais là où le film devient intéressant est dans la manière dont il traite ses thématiques. Ici l'adolescente voit son corps transformé en parallèle de ses problèmes. Ses pieds deviennent plus palmés, elle se recouvre d'écailles, elle mange compulsivement du poisson cru... Du coup, elle tente de dissimuler et de comprendre ses changements tout en gérant sa vie d'ado compliquée où elle tente de s'intégrer par mimétisme. Elle en devient une héroïne passionnante et tragique. En un sens, elle est assez proche de Thelma l'héroïne du film du même nom, voire même de Justine de Grave.


Les autres personnages sont assez inexistants. Ce sont des archétypes et qui n'évoluent pas. Sauf une. Et encore.


En effet , la meilleure amie Gianna (Zoë Pastelle Holthuizen) est une adolescente bien dans sa peau et rebelle. Au départ, Mia est plus sa faire-valoir qui tente de l'imiter. Leur relation est au départ à sens unique avant de devenir une véritable amie (voire plus mais ce n'est que théorique). Si elle entraîne Mia dans tous ces délires, elle va progressivement changer pour être une vraie sœur de substitution lorsque Mia tentera de découvrir ses origines et qu'elle s'inquiétera des changements du corps de Mia. Même à la fin elle saura prendre soin d'elle.


Le reste est oubliable. Les parents sont faussement présents et absents, les ados sont des ados qui veulent se taper de meufs (même si le mec de 35 ans au début aurait pu être intéressant mais il disparait et on l'oublie vite).



Chronique de la mort et de la naissance



Je vais parler d'abord de ce qui est évident à propos de l'histoire. Tout le film parle du passage de l'enfance à l'adolescence et de l’adolescence à l'âge adulte. Spoiler : ou pas parce que j'ai une théorie que j'ai peu vue sur le peu de critiques françaises que j'ai lues. Mia est une adolescente de 15 ans qui essaye de s'intégrer et grâce à Gianna parvient à se faire des amies, à des fréquentations et s'intègre. Cela dit Gianna n'est pas une adolescente si sainte que ça car elle connaît aussi la drogue, l'alcool, le tabac et le sexe. Cependant en parallèle, son corps change et elle même change. Elle devient moins introvertie, défie bien plus ses parents, a des relations sexuelles avec 2 mecs. Mais le film montre aussi son mal être et le faite qu'elle ne sens pas à sa place. Pire pas humaine. Et là, ni la médecine dont elle se méfie, ni ses parents qui s'indignent sans la comprendre ne sont une grande aide (ouais, l'envoyer voir un psi : GG l'éducation). Sa visite à Covaland sera décisive : elle n'aime pas ce qu'elle devient et son corps rejette ce qu'elle veut devenir. Elle est donc perturbée. Si on voit le film avec un premier niveau de lecture, on voit qu'ile est très bien écrit, retranscrivant parfaitement ce que peut vivre l'adolescente à cette âge. Mais si on analyse le film, on peut émettre une théorie qui rend le film juste génial : Et si sa transformation en sirène était un compte à rebours pour la mort de Mia ? du coup gros spoiler :


En effet, sa métamorphose se produit principalement et brusquement après qu'elle passe par des phases dangereuse pour elle :


_ ses pieds palmés après un jeu de strangulation
_ les écailles de ses jambes après avoir pris un mélange détonnant de drogue et d'alcool
_ les évents au niveau de ses côtes et des écailles bien plus prononcées après avoir sauvé Gianna de la noyade (alors qu'elle a bu et s'est droguée plus que de raisons)
_ sa métamorphose totale après sa tentative de suicide.


Ce n'est pas anodin quand on s'y connaît en sirène et la symbolique de la mer. Et du coup, le film prend un tout autre sens. Et on en vient à la partie post climax :


Après son suicide raté, Mia se transforme totalement en sirène. Une découverte qui l'a vraiment bouleversée car elle n'a pas réussi à stopper sa métamorphose.Elle va dans la baignoire qu'elle la remplit d'eau et reste immergée, semblant se noyée. Elle finit par remonter et laissant l'eau débordée dans la maison se retrouve dans le salon où elle demeure. Mais si au début elle était effrayée, elle se sent sereine de la métamorphose et appelle Gianna pour qu'elle puisse l'aider à rejoindre la mer. Elle prend le soin d'appeler sa mère ou elle se remémore un souvenir heureux (alors qu'elles étaient en froid) et après avoir dit adieu à son amie, la quitte pour rejoindre la mer. On peut supposer que toute cette séquence est une allégorie de sa mort. La sirène messagère de mort dans la mythologie grecque et nordique l'est en faite pour elle-même. Elle s'est suicidée après avoir appelé les personnes qui comptent le plus pour elle.


Toute cette séquence est magnifique. C'est même la seule fois où la musique se fait plaisante et le personnage autodestructrice paraît plus triste. Et ça c'est fort.



Où est Victor ?



Vous l'aurez compris, ce film non sorti chez nous comme partout ailleurs est un excellent Unkonwn Movies (oui, vu que personne ou presque n'en a parlé, il est Unkonwn). Un film de sirène très bien écrit, avec une réalisation maîtrisée, tapant juste et ne s'interdisant pas beaucoup de choses


Ce film a une scène de fellation collective sur Mia. Même cette daube de saga de 50 Nuances de Grey ne l'a pas faite !!!


Première réalisation d'une jeune actrice qui est partie faire Killing Eve que beaucoup adorent (spoiler, je n'ai pas vu la série, vous me conseillez ?) et évidemment film à voir (disponible sur You Tube en VO sous-titré anglais, vous ne pouvez pas rater). Et je pense que je vais critiquer des films pas souvent chroniqués qui sortent à droite et à gauche. C'est toujours intéressant.



Addendum :



Un petit mot sur la queue de sirène de Mia. C'est vrai qu'elle a l'air d'être bien trop grande et pas faite selon les queues qu'on trouve dans le mermaiding (contrairement à Une Sirène à Paris bien plus réaliste), mais la façon dont l'actrice est filmée fait que la réalisatrice l'a rendue crédible. Surtout que la dernière scène sous l'eau où on l'a voit métamorphosée passe très bien. Comme quoi la réalisation arrive à rendre crédible une queue limite

Créée

le 21 juil. 2020

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Neo Cosmic

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