Blue Spring
7.1
Blue Spring

Film de Toshiaki Toyoda (2002)

Quand l'esprit fou se moque du garde corps

Blue Spring est un souvenir particulier pour moi puisque c’est avec lui que j’ai découvert Toshiaki Toyoda, qui est, avec Sion Sono, le réalisateur japonais des années 2000 qui m’a le plus enthousiasmé. De son enivrante bobine, empreinte de poésie noire et d’images cinglantes, se dégage une vive habileté à dépeindre un japon acnéique instable, dont les comportements extrêmes sont tempérés par un romantisme lyrique, de façon à faire des jeunes chiens fous qui vocifèrent à l’écran les vecteurs authentiques d'une perdition étourdissante, peut être plus silencieuse dans la réalité, mais non moins destructrice.


Toshiaki Toyoda opte pour une mise en scène épurée qui s’appuie sur son solide sens de la composition. Ses caméras placées avec précision s’associent à son impertinent talent à choisir le point de vue singulier qui donnera le plus de percussion à la violence frontale qui assaisonne son film. D’une subtilité rare, cette dernière n’est jamais exploitée pour choquer gratuitement, au contraire, elle accompagne la beauté graphique de ses images pour dérouler un propos fait de fausses apparences.


Ce masque métaphorique arboré en société, qui est tout sauf le reflet de l’être tiraillé qui le porte, est au centre de son film. On peut avoir l'air d'un dur sans en être vraiment un, guidé par un désespoir qui transforme les traits pour en restituer une image erronée. Comme on peut être plus tempéré mais dangereux, à l'image du protagoniste, chef de gang malgré lui, propulsé à cette place uniquement par son sang froid à toute épreuve qui en fait le centre de cette attention qu'il essaye pourtant d'éviter.


On en vient à l'autre prouesse de Blue Spring, ses petites gueules avantageuses qui, par la force d’une direction d'acteur à toute épreuve, parviennent à dépasser aisément l’image peu rugueuse qu’on leur prête au prime abord. Les ados sont tous très convaincants, mention spéciale aux deux personnalités qui s'affrontent à coup de regards acérés et d’enchaînement de mandales dans ta tronche. Ryūhei Matsuda impose à l'écran son charisme et sa force tranquille tandis que Hirofumi Arai joue la carte de l'excès pour coller au côté versatile de son personnage. Une vraie réussite qui permet à cette histoire hors norme de s'imposer comme réelle dans les esprits. En tout cas, le message qu'elle véhicule chamboule les cœurs, visse les corps aux sièges jusqu’à les empêcher de se lever quand le générique de fin offre sa présence.


Blue Spring s'impose comme une oeuvre sans concession, qui sait rester aux portes d'une exagération extrême qui lui serait nuisible. De cette harmonie remarquable surgit un élégant uppercut qui ne manque pas de se faire une place de choix dans les esprits à l'occasion d'un final mémorable. Une porte d'entrée en or massif dans l'univers d'un réalisateur qui a su craquer l’allumette pour éveiller en moi une féroce envie de découvrir ses autres films.

oso
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste Coups de coeur post 2000 / Asie

Créée

le 2 janv. 2015

Critique lue 734 fois

10 j'aime

oso

Écrit par

Critique lue 734 fois

10

D'autres avis sur Blue Spring

Blue Spring
Velvetman
7

Blue Spring

Blue Spring est une œuvre qui fait parler les ombres où l’existence adolescente semble vouée à une autodestruction qui ne tient qu’à un cheveu. Blue Spring est la chronique d’une bonne de paumés...

le 6 mai 2014

13 j'aime

Blue Spring
oso
9

Quand l'esprit fou se moque du garde corps

Blue Spring est un souvenir particulier pour moi puisque c’est avec lui que j’ai découvert Toshiaki Toyoda, qui est, avec Sion Sono, le réalisateur japonais des années 2000 qui m’a le plus...

Par

le 2 janv. 2015

10 j'aime

Blue Spring
IllitchD
5

Critique de Blue Spring par IllitchD

Blue Spring est un film qui interpelle avec une ambiance particulière qui divisera, c’est certain. Il n’est pas toujours facile d’accrocher à la mise en scène, aux intrigues ou encore à la musique...

le 18 oct. 2012

7 j'aime

11

Du même critique

La Mule
oso
5

Le prix du temps

J’avais pourtant envie de la caresser dans le sens du poil cette mule prometteuse, dernier destrier en date du blondinet virtuose de la gâchette qui a su, au fil de sa carrière, prouver qu’il était...

Par

le 26 janv. 2019

83 j'aime

4

Under the Skin
oso
5

RENDEZ-MOI NATASHA !

Tour à tour hypnotique et laborieux, Under the skin est un film qui exige de son spectateur un abandon total, un laisser-aller à l’expérience qui implique de ne pas perdre son temps à chercher...

Par

le 7 déc. 2014

74 j'aime

17

Dersou Ouzala
oso
9

Un coeur de tigre pour une âme vagabonde

Exploiter l’adversité que réserve dame nature aux intrépides aventuriers pensant amadouer le sol de contrées qui leur sont inhospitalières, pour construire l’attachement réciproque qui se construit...

Par

le 14 déc. 2014

58 j'aime

8