Blueberry de Jan Kounen est une prise de position. De fait, on va l'accepter tout ou partie, ou le refuser. Refuser de but en blanc ce film, on peut. Mais, il me semble que de fait c'est refuser tout le cinéma de Kounen dans ce cas.
Petit détail qui a son importance: Ce film ne ressemble pas au désormais "culte" Doberman pour une poignée d’aficionados . Que ça soit dit une bonne fois pour toute.
Oui Kounen est barré en vrille certainement et oui, Doberman est probablement le film le plus normal qu'il ait fait (... je sais, ça fait bizarre de dire ça à première vu...). Le reste de sa filmographie étant résolument perché.
Ici pas d'exception.

Pour commencer, de ce film je dirais dans l'ordre donc:
- Que c'est film résolument visuel (attention: je ne parle pas des moments de trips à deux reprises dans le film). Un film qui se regarde avec les yeux grand ouverts. Des plans vraiment péchus, et un filmage moderne (on retrouve Kounen). Point ici de gros plans sur les éperons qui atterrissent sur le sol lorsque que le cowboy descend de son destrier (destrier qui fume également le cigare, sans doute). Pas d'harmonica non plus (le maitre Sergio Leone l'a trop bien fait pour avoir à y redire). Kounen prend son parti de faire comme il fait normalement. Un western... qui n'a de western que le lieu et l'époque. Il réinterprète le style un peu comme Jarmusch la fait avant lui (avec l'énorme Dead Man...) façon Kounen. En plus lumineux, en plus "travelingué", en plus contre-plongé. Un film pour l'oeil je te dis! Des acteurs qui ont une gueule et dont l'image suffit à combler le silence (dont j'avoue, parfois on n'est pas sur de pouvoir décortiquer le sens).
Selon moi, Kounen n'a jamais brillé comme ces cinéastes qui jouent avec toi à Inception, forts d'un message qui te va droit au cerveau et te change à jamais avant même que tu l'ais réalisé. Kounen est, ventre bleu, peut-être moins subtile que ça (et il le revendique probablement lorsque dans Doberman, il fait jouer à Romain Duris le rôle d'un malfrat qui s'essuie grossièrement avec des pages du Cahier du Cinéma, alors qu'il vient de chier dans la Seine), mais s'il fait du cinéma, nul doute qu'on sait pourquoi. C'est parce qu'il a envie, tel un gosse, de donner plein d'effets à la caméra, effet que l'oeil ne permet pas.
C'est un parti pris, puisqu'après tout, filmer une scène, n'est-ce pas un peu pour la rendre moins réelle qu'elle ne l'est en réalité? Kounen reste un sale gosse ici donc. Puisqu'il sort complètement d'un filmage de western classique pour le transformer en réelle nouvelle expérience visuelle. On aime ou on n'aime pas. Perso, je trouve la gageure assez gonflée et visuellement relevée puisqu'on a des plans sublimes et un western résolument différent.

- On a également un propos très différents du synopsis de base de blueberry, il est vrai, mais si mes souvenirs sont bons (je lisais parfois les Blueberry dans les hebdomadaires quand j'étais jeune), Kounen ici décide d'exacerber très clairement une ambiance qui était déjà présente dans la BD des années quatre-vingt. Le côté à l'ouest du personnage, non pas par idiotie, mais bien par maîtrise d'une sagesse inspirée par le savoir chamanique - on a d'ailleurs deux scènes cherchant visiblement à illustrer cette recherche spirituelle dans lesquelles la prise de cactus hallucinogènes des effets spéciaux dont le truchement ne servent pas tellement l'histoire à mon goût (c'est le point négatif essentiel de ce film malheureusement: les acteurs et les plans auraient probablement suffit à donner un peu d'ésotérisme au film). On sort donc clairement des pas de la BD pour prendre les chemins de travers du personnage.
Ce Blueberry est peut-être une très belle excuse de Kounen pour nous présenter un western d'un genre nouveau, mais personnellement, j'ai bien aimé l'angle avec lequel il a appréhendé le personnage. LES personnages, d'ailleurs, puisque le grand méchant du film se trouve être un méchant, lui aussi bien au delà de ses revolvers, puisqu'il s'est vu mourir et qu'il n'a plus peur de la mort, dit-il à un moment, avant de montrer son ventre couvert de cicatrices causées par les flammes.
Il y a une sorte de conviction dans les personnages, une conviction belle et puissante, que l'on doit malheureusement admettre sans réserve, sans justification, si l'on veut correctement profiter du film (puisque Kounen n'a pas eu l'air de vouloir se poser la question de "Pourquoi les protagonistes ont-ils tous une véritable gueule?". Manquement peut-être un peu regrettable, ou pas). Une conviction et une beauté que certains pourront jugé sans profondeur.

Moi quand je regarde ce film, c'est pour voir CE film. Et en ce sens, Blueberry de Kounen est en partie bien réussi. Parce que même si on a une brochette d'acteurs qui n'en sont pas à leur premiers films (et qui ont pour la plupart déjà gagner leur place au paradis du cinéma), on est bien ici devant un film contemplatif. Dans lequel tous auraient baissé d'un ton pour laisser l'ambiance du film prendre le dessus sur tout le reste.
ça peut sembler facile d'inclure dans un film la prise de psychotropes et une poignée d'indiens qui chantent des incantations, dans le but de rendre le film plus "profond". Mais ça l'est moins de faire un western visuellement beau sans passer par aucun des codes qu'on lui trouve d'habitude.
Un film extraterrestre donc. Un exercice de style auquel il faut s'attendre. Parce qu'on parle d'un film de Kounen.

Encore une fois, donc, ce n'est pas un film d'une subtilité rare que nous donne Kounen, mais un film qui nous colle d'office derrière l’œilleton de la caméra. Une caméra à qui on aurait donné juste le temps d'un film le droit de s'éclater totalement.

J'ai mis six étoiles parce que je regrette qu'il n'est pas poussé plus subtilement le visuel des deux scène de voyage mystique. Deux scènes qui voient leur intérêt s'étioler à cause des images de synthèse.
nicktronik
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le 23 avr. 2013

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nicktronik

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