Avec une moyenne carrément pourrie, Blueberry est synonyme d’un ratage foireux de première, conspué pour d’obscures raisons qui m’échappent. Je trouve, à titre personnel, que la direction artistique du film est tout simplement irréprochable, visuellement, c’est un plaisir de deux heures ininterrompu qui vient flatter la rétine (même dans les excès de psychédélisme qui saturent son dernier acte, élaborant un duel psychique jamais vu au cinéma (on quitte enfin ces faces à faces interminables en mode « à qui dégainera le premier »)), et qui demeure toujours agréable à suivre. Et pour enfoncer le clou, je vais sortir la comparaison que tous les cinéphiles vaccinés s’extasient à ressortir : El Topo. El Topo, inutile de revenir sur son discours métaphysique, il est d’une richesse à en pleurer (quoique c’est parfois (souvent) juste un délire de drogué flamboyant qui explose les repères). Mais son visionnage est tout sauf agréable ! La bande son et les musiques sont insupportables, et si ses visions psychédéliques à petit budget explosent la rétine, c’est aussi raffiné que de la méditation au marteau piqueur. Blueberry a un sens de la transition, un sens de la narration, une façon de lisser chacun de ses aspects qui le rend particulièrement agréable à suivre. Avec pour contrepartie une certaine tendance à endormir le spectateur. Un peu dur de le nier, entre l’enfance de Blueberry et l’arrivée dans les montagnes sacrées, il ne se passe pas grand-chose. Et pour épaissir sa sauce, Kounen décrit alors le contexte, amenant le petit thème secondaire de la compassion pour le sort des indiens et les différentes quêtes métaphysiques (ou matérialistes) des personnages. C’est toujours la ruée vers l’or, mais l’or a changé ici, la Conscience remplace le coffre fort de dollars. Si Kounen soigne beaucoup sa facture esthétique, il innove plutôt dans ses approches très new age métaphysiques, qui appellent à un premier degré un peu naïf. Un peu naïf, car sa structure et ses protagonistes tiennent tous du cliché en mode exercice de style, mais qui sait garder sa cohérence jusque dans les design visuels des hallucinations finales. En cela, j’ai du mal à comprendre les reproches lui étant régulièrement fait (le premier étant d’avoir rajouté « Blueberry » devant le vrai titre du film). Pourquoi est-il taxé sommairement de délire de drogué alors que d’autres moins agréables (je pense maintenant au Yellow submarine des Beatles (que j’avais aimé lors de la découverte, j’ai depuis vu des OFNI bien plus consistant que ce trip sous acide)) se retrouvent aujourd’hui avec une réputation culte. On se trouve devant un cas de film mésestimé (il n’a jamais cherché à copier Jodorowsky, les montagnes sacrées sont la seule allusion qu’on puisse y voir, les identités visuelles et structurelles d’El Topo étant incompatibles), qui tente réellement de communiquer une expérience inédite au spectateur, quelque soit ses aspects. En termes d’immersion dans un univers atypique, L’expérience interdite est, avec les films de Gaspar Noé, une expérience de trip cinématographique à part entière, manquant de fond, mais d’une forme irréprochable (après, ce sont les goûts qui rentrent en jeu).
Voracinéphile
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le 20 mai 2014

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