Bob Roberts, le candidat républicain ultime, machine de guerre de la beaufitude américaine, avec son cortège de scandales, de magouilles, de racisme, de populisme et on en passe... Tel est le lumineux héros de cette comédie noire très caustique et très bien mise en scène par un acteur que l'on ne soupçonnera pas de sympathie pour le GOP, monsieur Tim Robbins. Robbins joue Roberts et le fait avec beaucoup de bonheur. Il incarne le mielleux populiste avec un charme fou et , ce qui m' a surpris, il chante admirablement les innombrables chansons du film.
Car Bob Roberts est un chanteur de folk songs. Avec sa guitare il répand son message politique (marre du gouvernement, sus aux mexicanos, vive les guns, God uber alles, etc...). Les chansons du films sont extraordinaires et font froid dans le dos, tant on sent que le tea party aurait pu les reprendre pour leur meetings. Derrière le chanteur se cache bien sûr une personnalité complexe, faite des différentes tares de la politique américaine: Roberts est millionnaire, grâce à Wall Street bien sûr, mais il est aussi mêlé à des contrats de ventes d'armes et d'actions anti-contra en Amérique centrale. Un mystérieux lobby, représenté par déjà regretté Alan Rickman (oui c'est une des raisons qui m'ont poussé à visionner ce truc) , se tient derrière lui, lançant son poulain à l’assaut du poste de gouverneur, avant d'autres projets.
On suit avec plaisir la tournée électorale de Roberts, son bus affrété et équipé pour le multimédia (en avance sur son temps d'ailleurs), les journalistes en embuscadees , les fan boys et les concerts tonitruants.
Robbins fait un portrait au vitriol de son Amérique politisée de 1992, ou plutôt de cette Amérique qui a toujours refusé de faire de la politique sérieusement, préférant les slogans, les anathèmes ou les boucs émissaires. En face de la crasse et efficace propagande robertsienne, un pauvre démocrate se défend avec indignation contre les scandales pornographiques qu’essaie de répandre son adversaire sur lui... le film est grinçant. A noter l'excellente performance de Giancarlo Esposito, le Gus Frink de Breaking bad, dans le rôle du journaliste d'investigation qui menace notre candidat en soulevant bientrop de questions gênantes et l'apparition hallucinée d'un jeune Jack Black, yeah !.
Je trouve déjà ce film très bon (sans être un chef-d'oeuvre, loin de là, il y a des longueur et il est trop prévisible) par la grâce de son personnage, par le charme de Robbins et les chansons hilarantes, mais il faut avouer que la mort récente de Rickman, et la montée en puissance de cette brute épaisse de Donald Trump (bien moins subtil mais tout aussi vil et dégueulasse que Bob Roberts) rendent ce visionnage très actuel. Une belle image du populisme américain, dont certains remugles ne sont pas sans se faire sentir chez nous... Vous aimerez détester Bob Roberts .