Double, triple, quadruple et hot
Imposture ? Et beaucoup (à commencer par des gens très bien) n'admettront pas.
Sans doute - mais drôle.
Le cinéma est omniprésent dans Body double.
ALFRED ET BRIAN
Rien que de très classique : De Palma propose une nouvelle déclinaison, une relecture de l'oeuvre du maître. Cela dit, les références ne portent pas cette fois sur un film, mais sur deux, et de façon très explicite : Vertigo et Fenêtre sur cour. Premier avertissement.
EPOUVANTE ET PORNO (ET NANARS)
On franchit une étape : on suit, pour quelques séquences (très nanardesques) trois autres films, pas moins, à l'intérieur du film : 2 films d'épouvante (en prologue et en conclusion), 1 porno chic, façon Benazeraf, au coeur de Body Double, au moment où l'intrigue bascule avec la rencontre entre le héros (Craig Wasson) et l'actrice X (Melanie Griffith), dans un rôle très hot, sollicitant peu par ailleurs ses qualités de comédienne mais qui donnera un coup d'accélérateur définitif à sa carrière.
MISE EN ABIME
Une caméra sur pied, en altitude, permet par de gigantesques plongées, d'assister en contrebas et en voyeur à un autre film, érotique à nouveau, puis thriller. On est vraiment au cinéma : décor plus que sophistiqué (l'immense tour et ses baies vitrées avec son incroyable appartement, qui existerait vraiment), les mouvements de caméra chers à De Palma entre longs travellings, plongées vertigineuses, travellings optiques, le scénario (avec meurtre excessif, poursuite haletante s'achevant à l'intérieur d'un tunnel, avec au bout du tunnel un très beau vertige blanc) truffé d'invraisemblances, de coïncidences absurdes, évidemment volontaires parce qu'au cinéma on peut tout. Les costumes aussi, essentiels : déguisements, masques (là encore excessifs - mais je ne suis pas sûr que le personnage soit aussi reconnaissable que cela ; on n'est sans doute sensible au côté approximatif du déguisement qu'à la seconde vision du film parce qu'on sait déjà ...), absence de costume aussi, qui sied parfaitement à Melanie Griffith.
DOUBLE MISE EN ABIME.
Jeu de masques donc. Car ce premier film dans le film est une illusion : on ne montre que ce que l'on veut montrer (c'est aussi le principe du body double), on cache. Et ce premier film, celui que regarde le héros et dont il finit par être l'acteur est évidemment une manipulation concoctée par un autre metteur en scène qui compose son propre film, assez différent.
On a pu reprocher à Brian De palma d'avoir fait appel, pour le rôle principal à un acteur peu connu, et peu charismatique - Craig Wasson. En réalité cette proposition, évidemment volontaire, est une géniale trouvaille. Parce que ce héros-là, c'est vous, c'est nous, c'est le spectateur - manipulé, malmené et ... impuissant. Brian De palma se paie notre tête, dans une mise en abîme joyeuse du cinéma - qui est un jeu, un jeu de références, d'échos, d'illusions, un jeu de dupes.
SIGNATURE
Dans la scène centrale, celle du film érotique, dans un plan de glace, presque subliminal, on distingue Brian de Palma en personne et ses techniciens. Un peu comme au début d'Adaptation (Spike Jonze) apparaissaient tous les concepteurs du film (à l'exception du plus important) pour une mise en abîme très différente mais très vertigineuse. Cette présence est ici tout sauf gratuite - il y a l'acteur spectateur (nous donc) et il y a le deus in machina.
Imposture ? Sans doute.
Foutage de gueule ?
Exaspérant peut-être, mais assurément ludique et brillant.
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