Travailler ses pectoraux c'est bien. Travailler son scénario c'est mieux.
Le film s'ouvre sur Yolin François Gauvin (qui interprète Vincent, le père bodybuildé du personnage principal joué par Rottiers) qui, alors qu'il est en train de coucher avec Marina Foïs, prend visiblement son pied à contempler ses triceps en plein effort. On se dit alors qu'on va peut-être voir un bon film. Malheureusement on déchante rapidement et le film rentre platement dans le rang si bien qu'on peut légitimement se demander s'il l'avait seulement quitté et s'il ne s'agissait pas d'une erreur d'interprétation de ma part. J'avais d'abord pensé que le narcissisme du mec le faisait jouir de lui-même alors qu'il s'agirait plutôt de l'obsession d'un perfectionniste pour son corps scrutant le moindre défaut de musculature. Je dis ça car l'acteur en question (Yolin François Gauvin, champion du monde apparemment) expliquait justement avant le début de la projection qu'à l'encontre des bodybuildeurs classiques (genre n'importe quel couillon tanké comme un rugbyman), les culturistes étaient très pudiques et réservés vis-à-vis de leur corps comme pouvaient l'être par exemple les peintres quant à leur toile ou les écrivains quant à leur manuscrit. Ils considèrent en effet leur activité comme de l'art et leur corps comme une matière à sculpter et à rendre parfaite. Bon. Pourquoi pas.. Même s'il ne m'enlèvera pas de la tête qu'il y a une grande part d'auto-satisfaction dans cette activité physique, le gars sait quand même de quoi il parle.
Le culturisme étant amateur en France, il n'y a aucune récompense financière à la clé pour le vainqueur des concours sinon l'estime de soi et la fierté (...). De plus, les huit mois de préparations en amont étant auto-subventionné (je passe sur les détails qui m'ont échappés mais j'ai retenu quelques trucs complètement ahurissant comme la consommation de 400 œufs par semaine et de dizaine de compléments alimentaires différents), la pratique du culturisme se fait donc à perte. Alors pourquoi font-ils ça? S'agit-il d'esthètes se sacrifiant sur l'autel de leur art? Ou simplement de demeurés décérébrés que l'ennui, le manque d'intérêts et surtout le narcissisme poussent à soulever de la fonte? Le culte du corps ou le culte de soi en somme? C'est vraiment une question que je me pose. Sans doute y a-t-il un peu des deux... Ce qui est sûr c'est qu'il ne s'agit pas de sportifs. Ils ont beau avoir un physique impressionnant les types sont complètement détraqués tant nutritionnellement et anatomiquement que psychologiquement. Une telle radicalité, un tel extrémisme renferme forcément quelque chose. Une blessure ou un complexe, je ne sais pas, mais il y a forcément un truc qui sous-tend tout ce délire insensé. Je précise que cette réflexion ne concerne que le culturisme pur et dur (ceux qui font les concours quoi) et non pas la gonflette plus fréquemment rencontrée. J'ai plus de respect pour un Arnold Schwarzenegger que pour n'importe quel pignouf amateur de musculation. Ça pourrait paraître paradoxal mais ça ne l'est pas car tout tiens dans la revendication de la performance : le culturiste niera faire du sport alors que l'autre le criera sur tous les toits. La musculation en tant que fin en soi et non en tant que moyen pour atteindre un objectif sportif n'est pas un sport. En tout cas pas ma conception du sport. Celle du dépassement de soi, du plaisir, de l'agilité, de la célérité et de la santé et non pas au contraire de la performance musculaire. Et je dis ça en tant que nageur qui rétame régulièrement les fous furieux de la musculation.
Trêve de digressions et d'opinions personnelles et revenons au film. Si moyen soit-il, m'aura au moins questionné. C'est déjà ça de pris. Car comme je le disais en début de critique, le film ne brille guère par son originalité. Le scénario est même ultra-convenue. Soit l'histoire d'Antoine (Rottiers), 22 ans, chômeur et gros branleur, qu'un stupide schéma de Ponzi à foutu dans la merde. Il doit en effet de l'argent à droite et à gauche dont deux milles à la petite frappe du coin. Menacé il se réfugie chez son père (Gauvin) qu'il n'a pour ainsi dire jamais connu. Évidemment les rapports vont d'abord être houleux avant vont s’apaiser pour finalement se renvenimer suite à une petite crasse faite dans son dos. Le film tourne alors au drame du fils en manque de repère et du père en manque d'affection vu cent fois et devient de ce fait très chiant. La fin, inutile de vous l'écrire, est sirupeuse et trop heureuse pour être vraie.
Le seul intérêt du film, s'il en a un, est de décrire le quotidien d'un culturiste au cœur de sa préparation. On y apprend par exemple qu'il mange huit repas par jour, se réveille au beau milieu de la nuit pour ingurgiter des pilules et des potions magiques (que du naturel hein! Remarque la testostérone et les anabolisants aussi sont naturelles... mais pas de piquouse ici), se gave de filets de poulet, d’œufs (400 par semaine, je l'ai peut-être déjà dit, flemme de me relire) et de poudres en tout genre, mesure au gramme près ses quantités de compléments alimentaires et structure son programme de musculation très précisément. Bref pas de quoi tenir dix minutes.