Mani Ratnam est un réalisateur tamoul dont les films sont engagés sur des sujets sociaux et politiques. Avec Bombay, il réalise le deuxième volet de la trilogie dite « du terrorisme ».
Bombay est construit en deux parties :
- La première partie raconte une histoire d’amour entre Shekhar, un hindou et Shaila, une jeune musulmane. Une relation qui se heurte bien sûr à l’opposition de leurs familles. Ils se rendent alors à Bombay pour vivre librement loin des leurs.
- La deuxième partie est la plus intéressante, elle bascule sur les émeutes qui ont eu lieu en 1992-1993 à Bombay et qui ont fait des centaines de victimes. A l’origine de l’embrasement de la ville : des hindous nationalistes ont rasé la mosquée de Babûr, construite au XVIe siècle. Représailles et contre représailles se sont alors enchaînées. L’histoire nous est racontée du point de vue de Shekhar et Shaila ainsi que de leurs deux enfants jumeaux, Kabir et Kamal, élevés à la fois dans l’hindouisme et l’islam.
A travers les scènes de violence que Mani Ratnam met en scène, le réalisateur dénonce la folie de ces affrontements. Lui-même, hindou, ne prend pas partie pour un camp ou pour l’autre. Selon lui, l’origine de cette flambée dévastatrice n’est pas à chercher d’un côté ou d’un autre, mais plutôt du côté des politiciens, des hooligans, des « gros bonnets » qui tirent les ficelles et regardent au loin les autres s’entre-tuer…
L’une des chansons du film comporte ces paroles, tandis que des images d’émeutes défilent :
Tu n’es pas Hindou, tu n’es pas Musulman, tu es Indien. Les religions peuvent bien être différentes, mais vous partagez le même sang. Garde cela à l’esprit, sois Indien. Arrête ce combat, fais cesser ce bain de sang.
Paroles auxquelles font écho celles de Shekhar, en larmes, qui s’interpose entre deux connaissances s’affrontant au milieu des décombres : « je ne suis ni hindou, ni musulman, je ne suis rien » : paroles hurlées au milieu des gravats et des flammes.
Au milieu de ce déferlement : des innocents, des hommes et des femmes, hindous ou musulmans, qui ne veulent pas participer à ce mouvement. Mais aussi des enfants qui ne comprennent rien, tel Kamal demandant : « Qu’est-ce que ça veut dire être Hindou et être Musulman ? Je ne sais pas si je suis Hindou ou Musulman », il obtient alors cette belle réponse de l’eunuque avec lequel il parle : « Les religions sont un chemin pour aller vers Dieu. L’Hindouisme est un chemin, l’Islam en est un autre. Les deux vont à Dieu ».
Si le film est sombre, il est loin d’être désespéré. Mani Ratnam insuffle de l’espoir dans son histoire : à travers l’évolution de certains personnages mais aussi en montrant au milieu des combats des hommes et des femmes qui se dressent face à leurs coreligionnaires pour défendre ceux de l’autre camp et qui appellent les fanatiques à la raison. Images qui m’ont rappelé des histoires similaires dont j’ai eu connaissance et qui ont eu lieu lors des massacres au Rwanda.
Bombay a été tourné seulement deux ans après les événements, autant dire que les plaies étaient loin d’être cicatrisées. Le film a été mal reçu et a suscité la polémique. La vie même du réalisateur a été menacée et il a dû être placé sous protection policière.
Bombay fait suite au premier volet de la trilogie : Roja, que j’ai trouvé être le plus faible. Et il précède le dernier volet : Dil Se, un film que j’ai reçu comme un coup de poing lors de la scène finale.