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Dès le générique où le 00 de 007 se colle sur une paire de seins, alors qu’en fond se trémousse un corps de femme à demi-nu, le ton est donné, on reste dans l’esprit gênant de Dr. No. On ne s’étonnera pas de voir une foule de vieux messieurs se rincer l'œil devant un combat de gitanes, que Bond recevra par la suite comme lot pour avoir tiré sur les méchants. On ne sera pas non plus surpris que dans un élan blagueur, après qu’une fenêtre se soit ouverte au milieu d’un panneau publicitaire là où se trouve une bouche de femme, James lance un charmant “she should have kept her mouth shut”. Ce même égard pour la bouche féminine qui revient lorsque l’espion, découvrant sa compagne pour le film (Daniela Bianchi), trouve son orifice parfaitement adapté à sa taille. Oui, le ton est donné, James Bond est un sacré sac à merde.
Mais arrêtons de tirer sur l’ambulance, la licence est problématique dans son rapport aux femmes, je l’ai déjà bien assez dit sur ma critique de Dr. No, et si je devais faire une liste exhaustive de ce qui bave, j’en aurais pour trois pages. Concentrons nous plutôt sur ce qui fonctionne dans From Russia with Love.
Car avec le double du budget alloué suite au carton du film précédent, ce second opus a su faire évoluer la formule dans le bon sens. Les derniers codes de la saga viennent compléter la panoplie de l’espion, avec l’ajout d’une scène pré-générique, l’apparition de Q et des gadgets, et une chanson titre (mais qui ne joue qu’en fin de métrage). De même, la promesse de voyage est doublée, ne se contentant plus d’une unique destination exotique jamaïcaine, mais proposant une remontée de l’Europe depuis Istanbul, jusqu’à la Yougoslavie et Venise. Bond lui-même change. S’il est toujours un gros beauf, il paraît néanmoins beaucoup moins comme un dandy, se recoiffant à peine, et apparaissant surtout plus professionnel (bien que motivé par sa libido dans la mission). Ses actions et réussites ne sont plus le fruit d’une chance prodiguée par le scénario, mais les conséquences d’une ingéniosité et d’une maîtrise du terrain.
Mais c’est également au niveau des ennemis que From Russia with Love améliore la formule. Afin d’éviter la bourde diplomatique, les méchants ne sont pas vraiment les soviets mais SPECTRE. A ce titre, le mystère gardé sur Blofeld est bien mené, en faisant une figure de l’ombre menaçante qui démocratise d’ailleurs le trope du villain qui exécute ses sbires pour marquer le coup, trope repris en aval dans la franchise à de maintes reprises. La N°3 de l’organisation jouée par Lotte Lenya crée un décalage dans son apparence, son accent, et son homo-érotisme effleuré avec Bianchi. Mais c’est bien le personnage de Robert Shaw, incarnant à merveille le tueur psychopathe, qui coiffe aux poteaux les autres antagonistes. Sa présence minérale l’impose d’emblée comme un adversaire de taille qui ne perdra la bataille qu’à cause de son avidité.
Enfin, le script de Richard Maibaum complexifie suffisamment les enjeux tout en amplifiant et diversifiant les scènes d'action pour engager le spectateur, ce qui manquait cruellement au volet de 1962. La recette Bond est toute trouvée, et ne demandera qu’à être peaufinée dans les détails pour la suite. Même si j’ai mince espoir de voir le sexisme nauséabond disparaître avant l’ère Daniel Craig.