Portrait d'une star au rayon X.
Si le premier film de Paul Thomas Anderson, "Hard eight", n'eu droit qu'à une exploitation confidentielle (le film ne sortira d'ailleurs qu'en vidéo chez nous), son second, "Boogie nights", le propulsera sur le devant de la scène, la critique le voyant dès lors comme un des cinéastes américains les plus prometteurs du moment, ce que viendra confirmer ses essais suivants, bien que de plus en plus abscons.
Filmant le milieu du X à la manière d'un Scorsese période "Les Affranchis", construisant son récit comme une véritable saga, ascension, déchéance puis rédemption d'une superstar sacrément membrée, Paul Thomas Anderson foudroie par sa maîtrise autant technique que narrative, apportant un rythme impeccable à un long-métrage de plus de 2h30 et croquant une galerie de personnages terriblement attachants, ne jugeant à aucun moment l'univers qu'il décrie. Bien au contraire, on sent que le cinéaste aime profondément ses personnages et cherche à retranscrire, d'avantage qu'un réalisme historique, une sensation, le dernier souvenir de la fin d'une époque libre et sans tabou, juste avant la gueule de bois de la décennie suivante.
Aussi léger dans sa première partie qu'il devient sombre dans sa seconde, "Boogie nights" mélange les genres avec un brio indéniable, passant de la comédie de moeurs à la dénonciation d'une société hypocrite ravie de se palucher devant des bandes friponnes mais condamnant invariablement ceux qui les font à vivre en parias, en rebuts de la société. Tout en montrant ses abus et ses excès, sa lente agonie à l'arrivée de nouveaux supports et d'une vision plus pécuniaire qu'artistique, Anderson signe presque un chant d'amour envers un microcosme aussi conspué que fantasmé.
A la manière d'un Robert Altman, le cinéaste s'entoure d'un casting incroyablement sexy, de Mark Wahlberg, au jeu innocent et imparfait collant à merveille à son personnage, au retour fracassant d'un Burt Reynolds en total contre-emploi, en passant par la gouaille de John C. Reilly et l'émotion procurée par le personnage meurtrie de Julianne Moore, ils sont tous magnifiques, tous incroyablement vivants, parfois décalés, parfois agaçants, mais toujours touchants, pièces fragiles d'un immense échiquier à échelle humaine, au destin constamment sur le fil.
Chef-d'oeuvre ultime d'un cinéaste certes talentueux mais qui ne retrouvera jamais une telle alchimie (du moins c'est mon avis), "Boogie nights" est un tourbillon coloré euphorisant, bardé de séquences mémorables au rythme d'une bande son du tonnerre de Dieu.