Après un Hard Eight de facture plus que respectable PTA l'enfant terrible nous revient en très grande forme avec l'excellent Boogie Nights, premier chef d'oeuvre probable de sa prestigieuse filmographie. Fortement inspirée par Raging Bull dans sa construction cette émulation filmique prend des allures de vrai-faux biopic d'une star de l'âge d'or hollywoodien du porno estampillé seventies ; porté par un Mark Wahlberg re-découvert, littéralement impérial en acteur porno transformant sa vie de loser en une descente aux enfers d'une tonalité savoureusement douce-amère ledit métrage assume ses références d'un bout à l'autre tout en multipliant ses idées de Cinéma avec une virtuosité n'ayant d'égale qu'une inventivité de tous les instants. Glamour sans être gratuitement clinquant, terrible et désarmant sans sombrer dans le racolage sordide de bas étage Boogie Nights dessine donc la trajectoire chaotique de Dirk Diggler tout en empruntant déjà les gimmicks du film choral, genre que Paul Thomas Anderson portera à son paroxysme dans son chef d'oeuvre suivant : le très métaphysique et grisant Magnolia.
Marty Scorsese est donc ici à l'honneur, dans la mesure où PTA filme une ascension suivie d'une chute comme au temps d'un certain Jake La Motta. Néanmoins le soin apporté aux couleurs et aux mouvements de caméra fluides et brillants de maîtrise convoquent moins Raging Bull ( tourné du reste en Noir & Blanc ) que l'incroyable Casino et le survitaminé Goodfellas à notre esprit. Extrêmement bien monté et rythmé par une bande originale de tout premier choix Boogie Nights évoque également à bien des égards le Cinéma ultra-référencé de Quentin Tarantino, en témoigne ce long travelling circulaire de l'épilogue n'étant pas sans rappeler le plan d'ouverture de Reservoir Dogs et tout un pan de la mythologie hollywoodienne annonçant vingt ans auparavant l'extraordinaire Once Upon A Time... In Hollywood.
Boogie Nights bénéficie en outre d'un casting littéralement déflagrateur composé d'actrices et d'acteurs tous plus remarquables les uns que les autres : John C. Reilly, Julianne Moore, Burt Reynolds, Philip Seymour Hoffman, Don Cheadle ou encore l'excellent William H. Macy forment d'ores et déjà la famille artistique du réalisateur américain que ce dernier ne manquera pas de réunir à moult reprises par la suite. D'une violence certaine mais suffisamment nuancée - puis finalement fascinante dans sa manière de jouer sur notre esprit à différents niveaux émotionnels - Boogie Nights fait l'effet d'une fresque aussi ample et ambitieuse que définitivement vibrante, n'hésitant pas à recourir au comique le plus inattendu ( le personnage de Philip Seymour Hoffman et celui de William H. Macy, incarnant respectivement un technicien énamouré d'une star et un chef opérateur cocufié, en sont les meilleurs exemples...) ainsi qu'à l'émotion la plus percutante. En un mot comme en mille Paul Thomas Anderson filme cette chronique filmique avec une brillance élégamment et rondement reconstituée, signant avec Boogie Nights une biography picture d'une intelligence redoutable. A voir absolument, et plus souvent qu'à notre tour...