Première tentative sur le long métrage, Bottle Rocket n’était pas initialement sorti en France, et fut exhumé sur le tard, au vu du succès grandissant de son réalisateur.
Réunissant pour la première fois les frères Owen et Luke Wilson, avant qu’ils ne deviennent des fidèles du réalisateur, le film est à la fois mineur et annonciateur de la filmographie si singulière de Wes Anderson.
On trouve en effet, en germe, un principe fondateur de son écriture, à savoir ce goût pour l’insolite, une folie douce, un verbiage constant, et une thématique constante de l’échec. Le personnage d’Owen, Dignan, est une figure typique : établissant des programmes, voulant régler la vie de son ami Anthony et s’inventer un destin romanesque, il annonce très clairement le personnage qu’il incarnera dans Darjeeling Limited.
L’équipe de bras cassés accumule les ratés et les illusions, dans une veine comique et presque parodique qu’Anderson reprendra dans Life Aquatic.
Bottle Rocket est l’extension d’un court métrage de fin d’études : c’est là la limite du film, qui peine à tenir la distance sur 90 minutes. Patinant assez régulièrement, le récit a du mal à ne pas se laisser gagner par l’inertie et le sur-place de ses personnages. Sortes d’autistes fonctionnant en circuit fermés, ils n’ont d’autre choix que de trouver aussi branques qu’eux pour pouvoir avancer : c’est là aussi un des points séminaux des personnages d’Anderson. Du monde extérieur, on ne voit presque rien, si ce n’est une femme hispanophone qui nécessite des interprètes constants, ou un voleur / jardinier en la personne de James Caan, venu en clin d’œil rejouer son rôle de Thief chez les branquignoles, dépassant la parodie par une leçon de réalité en forme de douche froide.
Il manque donc encore deux éléments essentiels pour que l’œuvre prenne ses marques : une ambition esthétique sur le plan formel, et l’émotion qui dépasse le simple comédie insolite, qui semble ici souvent une fin en soi. Pour cela, il faudra explorer les liens entre les personnages, et notamment leur donner une famille : ce sera le cas à partir de La Famille Tenenbaum.
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