Les écrits de Charles Brackett et Billy Wilder forment le brasier de cette comédie enflammée dont la flamme est entretenue par Howard Hawks qui, ajoutant à son indéniable maîtrise de la comédie, y agrémente son amour pour le film de gangster.
Boule de feu se présente comme une revisite de Blanche Neige et les Septs Nains avec une showgirl venant perturbé le travail de huit professeurs, dont un qui deviendra le prince. Le long métrage porte une vision enfantine et attachantes de ces vieux professeurs dont la vie n'a essentiellement été dédiés qu'aux livres, à la recherche et à l'écriture d'une encyclopédie. Le regard porté sur les gens du « monde extérieur » est tout aussi touchant malgré l'écart intellectuel qu'il y a entre les deux. Cet écart ne sera finalement pas un problème puisque les deux mondes vont apprendre l'un de l'autre. Le cas de l'éboueur est particulièrement parlant que ce soit dans l'apprentissage dans son sens le plus littéral avec les professeurs lui offrant quelques connaissances, ou dans l'apprentissage par l'expérience, l'éboueur apprenant à Bertram Potts le langage de la rue. C'est pourtant l'arrivée de Sugarpuss qui donnera l'apprentissage le plus singulier aux vieux hommes, fait d'amusement et d'amour : celui de la vie.
Le film tirera de ce distinguo entre intellectuel et homme du peuple toute son essence comique. Alors que le sujet aurait pu aisément être lourd, les scénaristes réussissent à ne jamais en faire trop, tapent justes et ne deviennent aucunement offensant. Les dialogues subtils des professeurs, mêlés à ceux cinglant de Sugarpuss, offrent un diptyque intéressant se complétant à la perfection. C'est l'ignorance des uns et des autres qui fera rire via des blagues compréhensibles de tous, sans pour autant jamais porter de jugement de valeur.
Le travail de Hawks est, lui, d'autant plus complexe. Faire vivre plus de huit personnages, simultanément à l'écran n'est pas des plus simples, cependant le réalisateur s'en est tiré merveilleusement bien. L'espace dans le champ est géré d'une main de maître, les personnages s'éparpillant parfaitement du premier à l'arrière plan. Un jeu se créera entre les deux devenant un facteur comique notable. Souvent des gros plans sur le visage d'un personnage seront fait, gardant assez d'espace pour laisser entrevoir les actions en arrière plan d'autres personnages qui ne peuvent que mener au rire. Cette méthode sera utilisé lors de la seconde discussion entre Bertram et Sugarpuss à l'académie. En théorie seuls, les deux futurs tourtereaux seront épiés par les sept professeurs qui, au fil du champ contrechamp, envahiront le cadre.
L'humour provenant du décalage entre les deux mondes et par la gestion de l'espace se trouveront un porte drapeau : la séquence où Bertram part à l'aventure dans les rues de New York. Naviguant dans les artères de la grande pomme à la recherche de nouveaux mots de l'argot à inscrire dans l'encyclopédie, Bertram sera l'élément perturbateur au milieu d'un cadre bondé de gens. Sa présence, lorsqu'on la repère, au milieu de la vie new-yorkaise n'est pas du tout naturel, le personnage agissant comme un aventurier partant à la découvertes des coutumes d'un peuple qu'il ne connaît pas.
Film comique en tout point, l'intrigue possède un nœud romantique puissant porté par son premier rôle féminin. Sugarpuss est la danseuse et chanteuse qui fera, pour la première fois de sa vie, chavirer le cœur de Bertram. Sa première entrée en scène, fait dans son état naturel, est marquante par son dynamisme, reflet d'une femme forte et surtout active. Sa deuxième entrée en scène, plus lente, se fera dans le salon de l'académie. En enlevant son manteau, elle illuminera la pièce sombre et poussiéreuse avec sa robe pailletée, ramenant ainsi l'effervescence du club dans ce lieu et dans les yeux de Bertram. C'est une femme à n'en pas douter aimant être sous les feux des projecteurs. Sous ceux-ci elle est la femme de Joe Lilac, baron du crime. Les baisés qu'elle fera à Bertram seront faux car baigné par la lumière de la manipulation. Ce ne sera que dans le motel, dans une chambre plongé dans l'obscurité et donc à l’abri de tous, qu'elle embrassera sincèrement Bertram, lui dévoilant alors l'amour qu'elle lui porte.
Dans l'encyclopédie de l'humour, la partie sur Brackett, Wilder et Hawks concernant Boule de feu fait bien plus qu'une demi page, les trois n'ayant fait de rature avec cette comédie intemporelle.