Chaque plan est habité par le désespoir d’un personnage et de son acteur dont la renaissance finale, pour le premier, appuie davantage encore la souffrance vécue par le second, souffrance telle qu’elle ne permet pas le retour de l’espoir. Boulevard ne saurait être suivi sans tenir compte du contexte qu’il occupe dans la filmographie de Robin Williams, dont il s’agit ici du dernier rôle au cinéma. Non que la qualité du film réside essentiellement dans l’interprétation dudit acteur ; il est pourtant rare que l’identité profonde d’un comédien imprègne à ce point l’image, colore à ce point l’atmosphère de tonalités dramatiques qui ne sont plus de l’ordre du jeu, mais du vécu. Mari et père de famille exemplaire, Américain moyen de soixante ans, le personnage de Nolan remplit le vide des espaces qu’il traverse au quotidien par des projections fantasmatiques qui s’incarnent brutalement en Leo, somme des désirs refoulés et latents qu’il portait en lui sans forcément en être conscient. De ce choc jaillit une clairvoyance : il s’agit de délivrer l’homosexualité prisonnière depuis trop de décennies maintenant, d’écouter la voix du petit garçon de douze ans qu’il était et qui n’a de cesse de lui montrer le chemin de l’épanouissement personnel. Au son de gammes électroniques transformant la déambulation nocturne du protagoniste principal en rêverie primitive – une rêverie venue du plus profond d’une conscience tourmentée –, Boulevard arpente les voies parallèles, quitte la route principale pour emprunter des zones encore inconnues et définies par le conflit, la violence, l’amour enfin. Les trajectoires que filme Dito Montiel incarnent parfaitement le réseau mental du personnage qui s’explore en explorant la ville. Ce faisant, le réalisateur brosse un puissant portrait de la solitude contemporaine où le minimalisme des effets de mise en scène et de tonalité offre à Robin Williams l’occasion de rendre visible une part de son obscurité, de mettre en fiction un mal-être réel. Un vibrant adieu au monde et au cinéma. Boulevard bouleverse.

Créée

le 23 oct. 2019

Critique lue 114 fois

1 j'aime

Critique lue 114 fois

1

D'autres avis sur Boulevard

Boulevard
ffred
6

Critique de Boulevard par ffred

Sentiments contradictoires à la vision de ce film. A la fois Boulevard n'est vraiment pas parfait, et à la fois il y a une lourde charge émotionnelle due à Robin Williams (c'est son dernier rôle). Le...

le 24 mai 2016

2 j'aime

Boulevard
papagubida
6

Once upon a time, Nolan..

Que dire, si ce n'est que je suis déçu ? Ce n'est pas non plus la déception du siècle, mais c'est bien connu, Papagubida attendait de voir ce film avec une impatience inégalable.. J'en attendait...

le 8 juin 2016

2 j'aime

3

Boulevard
Fêtons_le_cinéma
8

Pour suivre sa voie intérieure

Chaque plan est habité par le désespoir d’un personnage et de son acteur dont la renaissance finale, pour le premier, appuie davantage encore la souffrance vécue par le second, souffrance telle...

le 23 oct. 2019

1 j'aime

Du même critique

Sex Education
Fêtons_le_cinéma
3

L'Ecole Netflix

Il est une scène dans le sixième épisode où Maeve retrouve le pull de son ami Otis et le respire tendrement ; nous, spectateurs, savons qu’il s’agit du pull d’Otis prêté quelques minutes plus tôt ;...

le 19 janv. 2019

89 j'aime

17

Ça - Chapitre 2
Fêtons_le_cinéma
5

Résoudre la peur (ô malheur !)

Ça : Chapitre 2 se heurte à trois écueils qui l’empêchent d’atteindre la puissance traumatique espérée. Le premier dommage réside dans le refus de voir ses protagonistes principaux grandir, au point...

le 11 sept. 2019

78 j'aime

14