Manifestement, Tarantino avait tort de penser que le cinéma d’exploitation retrouverait facilement ses lettres de noblesses auprès du grand public. La vérité c’est que la plupart des gens de notre génération ne sont pas familier avec le concept des drive-in et des double programme. Inutile de préciser que ce diptyque grindhouse ne pouvait que diviser la communauté puisque ce genre de films bis et outrancier ne peut attirer qu’un public de niche, combien même le tapage marketing et les arguments de vente furent les bons à l’époque de la sortie. Néanmoins l’échec est relatif, puisque d’un produit tout en un comprenant deux films amputés d’un bon tiers mêlé à de fausses bande annonce, le montage s’approchait tout de même des 3 heures ce qui en faisait un ovni particulièrement difficile à évaluer pour les non adeptes, et puis il y a la parfaite logique du producteur derrière, à vouloir multiplier les recettes par deux en redonnant à chacun des cinéastes leur indépendance. Boulevard de la Mort constitue ainsi le premier échec financier de la carrière de Quentin Tarantino, et si certains critiques se complaisent à le qualifier de « pire » film du réalisateur, lui amène à nuancer le propos en le qualifiant de « moins bon ». On lui donnera raison, tant la proposition s’avère sincère, même si le résultat ne viendra pas clore le fameux débat sur les nombreux emprunts d’influence sur son cinéma.


Si la mode est un éternel recommencement, et que les années 70 reviennent à la mode depuis les remake plébiscités de Massacre à la Tronçonneuse de Marcus Nispel, et de quelques succédanés se déroulant dans l’environnement Texan, Tarantino lui ne se contente pas uniquement de reproduire visuellement les défauts inhérents à ces productions fauchés, tel qu’une pellicule granuleuse et surexposés affichant nonchalamment ses défauts, ses rayures et sautes d’image, ses brûlures de cigarettes et ses coupures abruptes avant un grand final expédié d’un grand coup de pied dans les couilles. Il s’agit également d’en restituer l’essence en étudiant minutieusement ce qui en fait sa particularité avec des faux raccords et des ruptures de tons quitte à brouiller toute temporalité puisque les cellulaires n’ont de toute évidence pas encore remplacer le plaisir de se dandiner sur la sono d’un bon vieux juke-box. On pourra ainsi admirer les courbes des grosses cylindrés et des pin-up sexy non seulement pour le plaisir des yeux mais également des oreilles grâce à une bande son mixé au rythme des seventies. Les amateurs de gros nichons regretteront peut-être que les décolletés ne soit pas aussi fournis que dans les films de Russ Meyer. Mais il en faut pour tous les goûts et de toutes les couleurs. Non le film n’a rien de sexiste, on pourrait même le qualifier de progressiste puisque ce sont les hommes qui sont traités comme de simple objet de désir, même si la féminité n’y est pas en odeur de sainteté. Les longues continuités dialogués des gigogne de service auront le don d’agacer les caractères les plus prudes par leur niveau de vulgarité, après tout les gonzesses ne sont pas si différentes des beauf que nous sommes, elles aussi aiment bien parler chassie de bagnole, mater des culs en sifflant des bières dans une atmosphère décomplexé.


Quelque part, cette volonté de vouloir confronter les hommes aux femmes se retrouvent dans la scène culminante de la collision, sommet du viol sans le montrer où les coups de butoirs d’une Dodge vrombissant comme les grouinements obscènes d’un porc accoudé à son comptoir forment sans conteste une énorme éjaculation à l’écran. Cette séquence qui ferai pâlir les spots télévisés pour la sécurité routière met à l’amande tous les slasher n’ayant pas su en livrer l’équivalence à l’arme blanche, d’autant que le plan se répète inlassablement à travers chaque point de vue et vie brisées pour en décupler l’impact visuel et sonore. Boulevard de la Mort trouve le parfait contrepoint masculin auxquelles opposer ses filles aux mœurs légères, un ancien cascadeur narcissique et pervers à la gueule balafré et interprété par une légende du cinéma, Monsieur Kurt Russel empoisonne. La deuxième partie le verra aux prises d’un groupe de super nanas contre lesquelles il ne sera néanmoins pas de taille à lutter perpétuant ainsi le schéma traditionnel du rape and revenge dans lequel les proies se vengent en retournant l’arme de prédilection (ici la voiture) contre leur agresseur. Si cette histoire n’est qu’un prétexte à filmer des courses poursuites et des cascades automobiles, ce qui en fait d’ailleurs l’essence même d’un pur film d’exploitation sans arrière pensée ou une quelconque forme de cynisme maquillé par la dérision, on ne pourra pas s’empêcher avec le recule inhérent aux années de penser à l’affaire Harvey Weinstein. Comme ci derrière ses atours de divertissement régressif se cacher en réalité une violente salve contre son producteur délégué.


À ce que l’on dit, c’est le voyage qui compte, pas la destination, et les détours mortels surtout... Alors si toi aussi tu aimes bouffer de l'asphalte au sens propre comme au figuré, rend toi sur L’Écran Barge. Tu y trouveras quantité de sérial-autostoppeurs et de chauffards frustrés.

Le-Roy-du-Bis
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le 4 sept. 2023

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