Ce film ovni m'a emportée dans un autre espace-temps, celui d'une vache ou plutôt d'un troupeau. Observateur attentif du monde à leur hauteur, le nez dans l'herbe. C'est le royaume de la lenteur, la contemplation de sublimes paysages normands absorbée dans une paisible mastication. En vérité, la vie de vache semble idyllique. Pourtant cette paix royale est brusquement interrompue par l'arrivée de l'homme qui décide du choix du pâturage comme de la séparation des veaux. Le paysan n'est pas cruel mais il ne se soucie guère des appels déchirants des mères qui cherchent leurs petits, il gère son troupeau. Le jeune réalisateur nous offre un premier film très abouti avec une image soignée, des prises de vue splendides, un casting exceptionnel - de superbes charolaises aux regards profonds. La bande son participe au dépaysement et à l’intériorisation de l'état bovin; mastications quasi incessantes, son délicat d'une bouse qui tombe sur le sol, diverses tonalités de meuglements... Lorsqu'elle retentit, la voix du paysan semble lointaine, presque étrangère. Sans que rien ne soi dit, cette expérience de vie de vache m’amène à une réflexion sur l'élevage. Qui sommes-nous pour asservir des êtres vivants sensibles, capables de tendresse à seule fin de les manger ? Une des stars de ce film a peut être fini dans votre assiette.