Boy Kills World
5.6
Boy Kills World

Film de Moritz Mohr (2023)

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Au sein d'une cité urbaine dirigée par une famille qui se donne pour mission d'éliminer la moindre résistance à son encontre lors d'une journée de Carnage par an, un petit garçon voit sa jeune sœur et sa mère exécutées sur la place publique par les autorités.

Devenu sourd et muet (mais s'imaginant parler avec la voix-off très badass d'un jeu vidéo de combat), il est recueilli par le Chamane qui l'entraîne des années durant pour le rendre capable d'éliminer les bourreaux de ses proches...


Aaah la bande-annonce nous avait promis un joyeux défouloir, de ceux qui, entre deux opus de "John Wick", débarquent de temps à autre d'outre-Atlantique dans un univers délirant, à mi-chemin entre le comic book et le jeu vidéo, pour défourailler à peu près tout ce qui bouge en compagnie de têtes bien connues ! Eh bien, on l'a eu ! Peut-être hélas pas autant qu'on ne l'aurait voulu la majorité du temps mais avec suffisamment de panache sanguinaire par moment pour emporter la mise.


On s'explique: certes, cette intrigue de vengeance et la mythologie sur laquelle elle se fonde ne recyclent que des basiques de jeu vidéo dans les grandes lignes de la progression proposée (différents membres de la famille à éliminer jusqu'au boss final) mais il faut bien dire que les caractéristiques imaginées pour son héros Boy vont dynamiter l'ensemble à chaque fois qu'il monopolise l'écran de sa présence.

D'abord par le magnétisme naturel de son acteur Bill Skarsgård, absolument génial pour incarner l'innocence de ce grand enfant perdu dans ce corps de géant musclé, devenant une espèce de marionnette désarticulée surpuissante dès que retentit dans sa tête un "Round One: Fight !". En plus de l'investissement physique assez sidérant de l'acteur lors des scènes de combat en vue de traduire la dichotomie improbable de son personnage (il faut imaginer une espèce de Buster Keaton qui serait tombé dans une marmite de stéroïdes étant petit), il véhicule admirablement bien tout le trauma rudimentaire de Boy lors de son parcours de violence, perturbé par la présence de sa conscience/petite soeur essayant d'enrayer sa montée en puissance de machine à tuer. Et puis, il y a ces trouvailles loufoques propres à sa condition et à ses rencontres, comme l'idée hilarante de cet homme dont il ne parvient à lire les mots sur les lèvres (ce qui engendre les situations les plus absurdes dans son imagination lorsqu'il tente de mettre des images dessus), ses maladresses face aux ennemis, les différents contextes dans lesquels il combat (le show Frosty Puffs !) ou son entraînement halluciné avec ce chamane toxicomane jusqu'à la moelle.

Bref, Boy en lui-même est une vraie réussite, aussi attachant que complètement dingue à suivre dans les affrontements.


On sera malheureusement moins enthousiaste sur cette famille de dictateurs qu'il a à massacrer. Incarnés par des acteurs que l'on apprécie (Sharlto Copley, Michelle Dockery, Brett Gelman et Famke Janssen), ses différents membres ne se révèlent pas très intéressants à voir évoluer dès qu'ils prennent le pas à l'écran, seulement définis par des traits cartoonesques de vilains qui les cantonnent à quelques actes de traîtrise et d'appétit sanguinaire caricaturaux, bien en dessous de la fougue inarrêtable de celui qui vient s'ériger comme leur principal opposant (de même que les compagnons de route de ce dernier, bons supports à sa quête mais oubliables). On retiendra tout de même une Michelle Dockery manifestement heureuse de jouer les evil bitches cabotineuses à souhait et, surtout, le "casque expressif" de June 27 (Jessica Rothe), la cheffe de la sécurité, réponse visuelle parfaite au handicap de Boy dans le camp à abattre.


Il en ressort ainsi un sentiment de frustration face à ce déséquilibre de folie entre les camps mis en place, celui-ci se propage trop souvent à l'entièreté du long-métrage et est également diffusé par une mise en scène qui paraît, elle aussi, se refuser à embrasser l'hystérie la plus totale de son potentiel.

En effet, alors qu'elle est pourtant extrêmement généreuse en plans géniaux, avec ce parti pris de travellings tournoyants et/ou de plans séquences épousant les mouvements déguigandés et autres fractures, démembrements & co provoqués par son héros littéralement emporté dans son trip vidéo-ludique, elle semble à chaque fois couper l'herbe sous le pied du plaisir provoqué par ces plans chez le spectateur à cause d'un montage ne les faisant jamais durer assez longtemps, comme privilégiant les à-coups à leurs plausibles impacts jubilatoires sur la durée, ce qui laisse donc une dose de frustration supplémentaire à l'arrivée là où "Boy Kills World" aurait pu atteindre des sommets en son genre.


Si l'on s'y amuse tout de même, il faut bien avouer que c'est cette impression mitigée d'entre-deux qui perdure aux trois-quarts du visionnage de "Boy Kills World"... avant que son dernier acte dingo ne vienne miraculeusement rattraper ses errements de la meilleure manière.

Si le plus gros rebondissement de toute cette histoire nous fait d'abord avoir de gros yeux douteux face à sa teneur, ses modalités (sordides sur le pourquoi et le comment) ont le mérite de rajouter une gravité aussi étonnante que bienvenue au film et de déboucher sur un ultime combat qui va, lui, réussir (en étant plus sobre, resserré et d'une violence redoublée) à réunir tout ce que le film a laissé de voir meilleur dans une phase parfaite d'intensité.


On quittera ainsi "Boys Kills World" au paroxysme de ce qu'il aura pu nous offrir, nous faisant pardonner et oublier partiellement des défauts notables que l'on avait pu y relever auparavant.

Et puis, bon, il faut bien reconnaître que des défouloirs comme ça, emmenés par un héros tout aussi inspiré que bien campé, on en redemande forcément, quels que soient leurs points faibles. Surtout avec une cerise sur le gâteau pareille en guise de dernières vingt minutes.

RedArrow
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le 22 mai 2024

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