Bien plus qu’un simple biopic, l’histoire va plus loin que cela, Mel Gibson propose avec Braveheart une fresque épique sur la liberté et la patrie.
On a pu lire beaucoup de choses concernant les inexactitudes historiques de Braveheart et c’est vrai qu’il y en a plusieurs qui peuvent faire dresser sur la tête les cheveux des férus d’histoire, mais qu’importe passons. Est-il encore utile de le rappeler, mais nous n’allons pas forcément au cinéma pour prendre un cour d’histoire. Pour évoquer la vie d’un personnage historique réel il faut parfois prendre des raccourcis afin de rendre l’histoire captivante à travers le médium du film, c’est principalement ce que fait Mel Gibson ici.
La vocation d’un film comme Braveheart, au-delà du fait de raconter une histoire avec des thématiques propres, c’est aussi amener le public à s’intéresser à l’histoire et le film réussi sur ce point, de nombreux fans ayant afflué de par le monde pour aller sur les traces de William Wallace. Ce qui n’est pas une mince victoire. Enfin pour finir sur la partie historique du film et les invraisemblances qui lui sont reprochées, on note bien entendu la moins importante qui évince le fameux pont de la bataille de Stirling, pour cause de budget sans doute, et les écossais qui à l’époque ne portaient vraisemblablement pas de kilts contrairement à ce que montre le film.
Mais en ce qui concerne les deux bêtes noires des détracteurs du film on note surtout la rencontre entre Wallace et Isabelle de France, rencontre impossible car Wallace mourut avant le mariage d’Isabelle et du prince Edouard II. Ici la rencontre entre le révolutionnaire et la princesse française sert à faire avancer l’histoire plus rapidement, une facilité d’écriture ni plus ni moins. Quant à la fameuse tradition de la Prima Nocte que le film évoque comme étant la base de la rébellion des Ecossais, encore une fois si aucune preuve réelle n’affirme une telle pratique au Moyen-Âge, elle sert dans le film à la dimension romantique du personnage de Wallace et de ses patriotes. Une dimension importante pour toucher un plus grand nombre de spectateurs, car un film c’est aussi cela, des contraintes et sans nul doute encore plus lorsqu’il s’agit d’un film historique.
Maintenant que le point est fait sur la controverse historique, attardons-nous sur le film en lui-même et ce qu’il nous propose. On peut déjà noter dans un premier temps que Mel Gibson s’attache à représenter l’époque féodale telle qu’elle l’était tout en y incorporant une dimension plus poétique propre aux récits des troubadours, avec l’évocation de l’amour courtois mais souvent adultère. La tradition orale aussi, lorsque la communication entre les différents clans et peuples était compliquée, pas seulement en terme de divergences d’opinions, mais surtout parce qu’il fallait en général plusieurs jours pour qu’un message se rende d’un point A à un point B. Si bien que quand on voit ce bon vieux William s’exprimer face aux troupes sur le champ de bataille en tentant de les convaincre qu’il est bien celui qu’il prétend être, il ne faut pas simplement y voir un simple élan épique propre au cinéma, mais également une certaine forme de réalisme. On se battait pour une bannière, pour des idées et dans le cas de Braveheart pour la liberté.
Mel Gibson sait saisir tout ce qui dans l’inconscient collectif permet de mieux situer une époque tout en lui incorporant des idées plus personnelles et modernes. Le discours du film est toujours d’actualité aujourd’hui. On peut en revanche au premier abord reprocher au film d’être anglophobe. Disons que sur ce point le film ne verse pas dans la subtilité, mais pas dans le manichéisme pour autant puisque les traîtres ont droit à une certaine forme de rédemption « Honnis soient les traitres ! ». Preuve en est car la narration du film est assurée par un personnage ambigu à l’égard du héros principal, dont il vante pourtant les mérites.
Au-delà du discours sur la liberté, très fort et poignant, c’est surtout à travers la réalisation de Mel Gibson que le film trouve une véritable force. Non seulement la reconstitution de l’époque est réussie, mais en plus la mise en scène exploite tout le potentiel de cette histoire. Ainsi les batailles sont épiques, les discours pleins de fureurs et les personnages charismatiques. Certaines séquences imprègnent la rétine, notamment celle de la bataille de Stirling, ou bien le dernier cri du héros face à ses opposants et la foule. L’ensemble est rythmé par une bande-originale inoubliable signée James Horner, un bel hommage aux sonorités écossaises, irlandaises et celtiques. Un ensemble technique de musiques et d’images dans lequel évolue un Mel Gibson charismatique et flamboyant, aux côté de Sophie Marceau, magnifique sous les traits d’Isabelle. Catherine McCormack n’a pas à rougir non plus, au même titre que Brendan Gleeson, James Cosmo et Angus MacFadyen.
Entre virtuosité et sincérité, Mel Gibson orchestre avec Braveheart une fresque pleine de colère, violente et pourtant sensible. Du grand art !