Un industriel italien, qui fabrique des bonbons, devient obsédé jusqu'à la démence, jusqu'au suicide, en tombant sur un ballon gonflable et en se posant cette question insoluble : jusqu'où peut-on gonfler un ballon avant qu'il n'éclate ? Mastroianni passe donc la totalité du film à gonfler des ballons, tentant d'insuffler le maximum d'air sans qu'ils n'éclatent et repoussant ce couperet fatidique de plus en plus loin. Ce film est un pur chef-d'oeuvre, pour moi le meilleur Ferreri vu à ce jour, en tout cas, c'est lorsque le cinéaste se concentre sur une idée (absurde mais pas toujours) et qu'il décide de la pousser à son extrême (ici, mais aussi dans Dillinger est mort ou La Grande Bouffe) qu'il est à son meilleur, égalant un Buñuel dans l'analyse de l'absurdité du monde. Le film traverse insidieusement toute l'arrivée du psychédelisme, le confrontant avec la bourgeoisie mourante d'un monde révolu, et le choc entre ces deux mondes est aussi violent et soudain que l'éclatement d'un ballon. Surtout, Break-Up est un film où la sexualité est omniprésente, et où Mastroianni s'y refuse, occupé à gonfler ses ballons. Cet acte n'est autre qu'une métaphore de la masturbation évidente (il n'y a qu'à voir l'acteur gonfler les ballons à la pompe à vélo, singeant une évidente et gargantuesque branlette), et le film parle in fine de ça, de ce refus du corps de l'autre, occupé à se concentrer sur une autosatisfaction impossible, puisque le ballon finit toujours par éclater, et cet acte auto-centré et vain entre en résonnance avec notre monde moderne avec beaucoup de force, tant il évoque l'individualisme contemporain. Chef-d'oeuvre.