Il faut regarder ce film. Je sens que le film me dépasse étrangement. Il y a deux raisons qui me poussent à ne pas faire de critiques en général : le fait que l'oeuvre soit trop intelligente pour moi (exemple Lynch, je ne ferais que desservir son travail) et le fait qu'elle soit trop intense et trop douloureuse. En parler ne ferait qu'atténuer sa beauté brutale, et je n'ai pas envie de faire ça à Breathless. Néanmoins, je n'ai pas non plus envie que vous passiez à côté.
Car Breathless, que vous devez absolument voir, est une main qui vous tient par la nuque et vous fiche la tête dans l'eau, dans la baignoire miteuse de votre petit studio. Vous pouvez vous en dégager, mais toujours cette main vous fera rejoindre l'eau, et vous ne pourrez jamais respirer normalement, jamais être à l'aise en sachant qu'à chaque fois cela recommencera. Breathless, c'est une claque dans la gueule pendant cinq minutes, et une caresse pendant les cinq suivantes. Ce sont des personnages qui ne sont pas noirs, blancs, ni même gris. Il y a de vrais salauds dans Breathless. Mais il y a un coeur en chacun, mieux, une histoire, des circonstances, des fantômes. Il y a la violence, brusque, très sèche, irrespirable à certains moments, puis il y a un environnement aussi. Il y a l'engrenage. Il y a la réalité.
Breathless est merveilleusement bien filmé. Avec une caméra qui file la nausée, avec des scènes de violence intégralement montrées, une musique déchirante, des ralentis saccadés qui dilatent le temps et permettent un second souffle, des mouvements brusques, parfois sans cohérence. Il y a l'image du père absolument catastrophique, dure mais bouleversante aussi, sur fond de pardon et de rancune tenace. On aime comme on hait dans Breathless, on aime comme on fait mal, très mal. Il y a différentes façons de vivre la souffrance quotidienne, qu'elle soit liée au contexte ou intérieure : déchaîner sa violence, se complaire dans un mutisme qui ronge nos espérances, avoir le sourire et tout cacher, et laisser la peur là où elle prend forme, s'en dévêtir.
Certains ne comprendront pas. Certains diront que c'est trop facile, que ce sont tous de vrais fumiers. Il n'y a pas de modèle dans ce film, ni de justifications puisque les ellipses sont absentes, puisque tout est montré. Il y a la volonté d'apprivoiser tous ses démons, de ne jamais les laisser vivre à notre place. Sinon...