Pour son second film, Henri Verneuil se permet une petite infidélité à son acteur fétiche, Fernandel, infidélité très vite oubliée dès l'oeuvre suivante; en nous proposant un film à sketch rendant hommage à un phénomène de société populaire et donc forcément méprisé par les élites : le roman de gare. Et plus précisément le roman policier! Et ici pas de jaloux! Trois histoires, trois héros (un slave, un belge et un français) de trois auteurs différents, trois maison d'édition!
Pour le premier segment, on s'intéresse à Monsieur Wens (Wenceslas Vorobeïtchik de son vrai nom) personnage crée par le belge Stanislas-André Steeman, publié dans la collection Le Masque et joyeusement interprété ici par Raymond Rouleau qui cabotine un max, bien aidé par des dialogues incisifs et drôles que l'on doit à André Tabet! La mort dans l'ascenseur nous propose donc une enquête où les répliques fusent à toute allure (en faisant régulièrement mouche) mais on peut tout de même se dire qu'heureusement que le format est court car on finit tout de même pas frôler l'excès de vitesse! Agréable et de veine plutôt humoristique, ce premier sketch vaut essentiellement par la joie communicative de son acteur principal!
Pour le second, Je suis un tendre, on traverse l'océan Atlantique pour se rendre aux FBI où sévit un certain Lemmy Caution, un *James Bond * avant l'heure, crée en 1936 par Peter Cheyney et publié dans la collection Série Noire! Pour être plus précis, c'est surtout le fameux détective qui voyage en rendant visite à notre vieille Europe pour un rendez-vous....manqué! En effet, l'histoire complexe et peu passionnante se voulant un hommage aux films noirs et aux gangsters, se transforme en une ode à l'ennui et ce n'est pas la fade interprétation du néerlandais John Van Dreelen qui y changera quelque chose!
On garde le meilleur pour la fin, et cela se vérifie ici avec celui qui finit par surclasser tout ce beau petit monde au fil des décennies, Georges Simenon et son célébrissime Jules Maigret (*Presse de la cité) *interprété par le non moins célébrissime Michel Simon! Une histoire finalement assez simple qui laisse tout le loisir à l'inspecteur de laisser cours à ses sentiments sous une carapace d'homme bourru, une interprétation de l'homme à la pipe par un Michel Simon qui ne tombe pas dans le piège d'en faire de trop comme ça peut parfois lui arriver et qui nous laisse le regret de n'être qu'unique! Les témoignages d'un enfant de coeur est définitivement le meilleur des trois sans pour autant que l'on puisse parler d'oeuvre incontournable!
Petit avis personnel, comme ça au passage: Maigret à été interprété par de nombreux acteurs et pas des moindres parfois (Jean Gabin, Michel Simon, Richard Harris, Jean Richard, Harry Baur, Charles Laughton....) mais il y en a un qui les surpasse tous et de loin: Bruno Crémer dans la série beaucoup trop mésestimée à mon goût et injustement taxée de Derrick à la française!
Henri Verneuil nous propose donc hommage au roman de gare pas désagréable mais pas inoubliable non plus, qui vaut principalement par Michel Simon en Jules Maigret! On peut aussi imaginer qu'a travers ce genre littéraire méprisé c'est aussi du cinéma populaire qu'il souhaite prendre la défense, lui qui finira par en être un artisan majeur (La vache et le prisonnier, Un singe en hiver, Le clan des Siciliens, Les morfalous...)