Il est communément admis que deux films marquent un tournant dans les films de cowboys. Deux films qui ne donnent pas aux indiens le rôle des méchants contre qui il faut lutter, ces méchants qui s'en prennent sauvagement aux si gentils visages pâles (Merde alors, si on peut plus coloniser en paix!). Tous deux de 1950: La flèche brisée d'Elmer Daves et La porte du diable d'Anthony Mann. Révolution dans le western! Ceci participe aussi d'une prise de conscience plus générale et politique du comportement de l'Amérique envers les Indiens (c'est la période de la "Termination Policy", loi visant grosso modo, à faire des Indiens des citoyens américains à part entière....loi qui n'aura pas une efficacité exceptionnelle...)
Et puis arrive Robert! Jeune cinéaste ayant à son actif deux films et repéré par Burt Lancaster himself, il se voit confier la réalisation de Bronco Apache. La première réflexion qui m'est venue, c'est que le budget fond de teint et cirage devait être stratosphérique pour ce film! Il en faut une sacrée couche pour faire de Burt et Jean Peters, blancs comme un cul, deux Apaches! Bon, faut avouer que cela pique un peu les yeux les premières minutes, mais le talent des deux acteurs fait disparaître tranquillement le malaise! (A cette époque, un film sans tête d'affiche n'était pas envisageable, alors on se débrouille quoi....).
Burt est Massaï, autoproclamé le dernier des Apaches, le seul qui refuse de se voir parqué en réserve comme sa tribu, le seul qui se révolte! Trahis par un "frère", arrêté, il s'évade, et part pour un road trip de la Floride au Nouveau-Mexique (et à patte ça fait une sacrée trotte!) au cours duquel il fera la découverte de la "ville" (un vrai Koh Lanta pour lui) et la rencontre d'une tribu Cherokee qui elle, arrive a vivre libre et pacifiquement au côté des blancs. Lancaster donne physiquement dans ce rôle de personnage égoïste et borné, il est au top de sa forme (pas un pet de gras, le mec!)
Jean est Nalinle. Amoureuse transie de Massaï, à l'origine involontaire de la trahison par Hondo, (incarné par Charles Buchinsky Bronson) qui voulait se la garder pour lui, elle est totalement dévouée à son homme. Visage racé, le regard déterminé, elle fait preuve d'une obstination extrême pour rejoindre Massaï même contre la volonté de ce dernier. Devant tant d'abnégation, le valeureux guerrier baissera les armes et succombera. L'atout charme du film mais loin d'être la potiche.
Alors ne cherchez pas des prouesses techniques, des cadrages hors normes, car ce n'est pas là que réside le cinéma d'Aldrich! L'intérêt réside plus dans ses personnages et l'histoire, le tout sans tomber dans l'angélisme! Même si Robert, c'est assez rare pour être signalé, se laisse aller à nous montrer que lui aussi à un petit coeur et peut tomber dans la tendresse et l'émotion (quelques scènes entre Massaï et Nalinle) Alors oui, c'est un film pro indien mais qui laisse le manichéisme à la porte. Ainsi, Massaï possède toutes les raisons du monde de se révolter contre la domination des blancs mais par son comportement à la limite de la parano, il s'enfonce dans un extrémisme suicidaire :
"Je suis un guerrier et un guerrier ne vaut rien sans la haine ; tous les blancs, tous les indiens sont mes ennemis. Je ne puis les tuer tous, un jour c’est eux qui me tueront."
Cette phrase laisse présager une fin tragique....
Une fin que le studio volera à Robert! Enfoirés de Studios (ça fait toujours bien ça, de gueuler après les studios). La fin ? Massaï, entendant les cris de son nouveau né de fils, renonce au combat. La fin Aldrichienne? Un peu plus pessimiste puisque Hondo tue Massaï!
Bronco Apache n'est pas le plus grand western qui soit, contient quelques maladresses, mais il pose les jalons du cinéma d'Aldrich laissant légèrement apparaître un certain cynisme et un pessimisme qui préfigure les oeuvres futures du cinéaste comme le plus radical Fureur Apache mais aussi celles du genre tel que La horde sauvage d'un certain Peckinpah.