Pas de pitié pour les ripoux
Bah puain... À force de fréquenter les cadavres, tu vas finir par t'marier avec un cercueil. Qu'est-ce que tu viens faire chier ici ? J'voudrais parler à Catarina. Ouais, Catarina pour...
le 9 nov. 2020
31 j'aime
22
La bande annonce présentée par Netflix pour le dernier film d’Olivier Marchal, "Bronx" ("Rogue City" en version internationale !), ne fait franchement pas envie : entre démonstration de machisme bas du front – une caractéristique il est vrai indiscutable du cinéma de Marchal – et scènes d’action louchant du côté d’Hollywood, le premier réflexe du cinéphile est de passer très vite son chemin. La réalité de "Bronx" est, évidemment (?) toute autre, et le film, avec finalement très peu de fusillades à l’arme lourde – elles sont toutes dans la bande annonce – va poursuivre dans la veine très noire habituelle au réalisateur, et privilégier une multiplication complexe des conflits – professionnels si l’on ose dire, mais aussi personnels, avec pas mal de couples et de familles sous pression – aux dépends du spectacle. Ce qui, évidemment, est une bonne chose… même si, très vite, on réalise que "Bronx" va souffrir d’autres défauts que ceux prévus…
Mais revenons un peu en arrière : le cadre de l’histoire est notre bonne ville de Marseille, particulièrement belle et lumineuse sous la caméra de Marchal, qui choisit intelligemment de noyer les drames sordides qu’il affectionne – et multiplie – dans le soleil de la Méditerranée. Entre bandes mafieuses adverses qui s’affrontent autour de divers trafics illégaux, comme c’est semble-t-il le cas depuis la nuit des temps dans la cité phocéenne, et autres bandes de flics englués dans des problèmes de hiérarchie, de corruption, et de cœur, les interactions sont multiples, périlleuses, puis sanglantes.
Il y a de la tragédie en filigrane derrière ces trahisons en cascade, ces liaisons adultères multiples, ces enfants déçus, voire massacrés par leurs pères, ces grands amours qui finissent asphyxiés avec un oreiller sur la bouche, et surtout dans la complexité de l’enchevêtrement de ces destins condamnés au pire. Le problème est que, avec un scénario aussi filandreux, confus quand il devrait être tranchant, pour transcender la violence générale, mais aussi la cupidité et la bêtise de la plupart des personnages, il faudrait un grand réalisateur et une paire de très bons acteurs : Olivier Marchal n’est pas James Gray, il n’en a ni le talent ni même l’intelligence, et ses acteurs sont visiblement la plupart du temps en roue libre, entre cabotinage déplacé et sobriété maladroite.
"Bronx" est un film qui nous divertit, parce que ses enjeux, pour irréalistes qu’ils soient, ne manquent pas de panache, mais ce n’est ni un film qui nous dit quoi que ce soit sur Marseille – la vraie -, ses flics ripoux et ses truands corses ou arabes au sang bouillant et à l’honneur chatouilleux, ni même un film qui nous montre quoi que ce soit de consistant sur la nature humaine : car, comme toujours, pour Olivier Marchal, les hommes, les vrais, sont définis par la taille de leur appareil génital, alors que les femmes sont « bonnes », « chaudes », ou sinon alcooliques et névrosées. C’est certes amusant, mais un peu court.
Le pire reste quand même la décision étrange du scénario de nous faire un final à la "Godfather", sans qu’on comprenne réellement – ni qu’on croit une seconde – à cette conclusion nihiliste à peu près inexplicable. On était prêt à excuser pas mal de choses dans ce "Bronx" jusqu’à cette curieuse manière de ridiculiser in extremis, sans doute juste histoire de rajouter une bonne dose de noirceur ultime, la construction qui avait précédé.
Heureusement que Marseille, c’est bien plus beau que le Bronx !
[Critique écrite en 2020]
Retrouvez cette critique et bien d'autres sur Benzine Mag : https://www.benzinemag.net/2020/11/04/netflix-bronx-un-film-de-mafia-peu-concluant-pour-oliver-marchal/
Créée
le 3 nov. 2020
Critique lue 1.8K fois
15 j'aime
D'autres avis sur Bronx
Bah puain... À force de fréquenter les cadavres, tu vas finir par t'marier avec un cercueil. Qu'est-ce que tu viens faire chier ici ? J'voudrais parler à Catarina. Ouais, Catarina pour...
le 9 nov. 2020
31 j'aime
22
Bonjour et bienvenue sur ma critique de Bronx, et pour un fois le titre du film correspond bien à l'histoire .. c'est le Bronx total. Un grand réalisateur, de bons acteurs, la technique, l'ambiance...
Par
le 2 nov. 2020
28 j'aime
18
Dernier film en date d'Olivier Marchal, l'ex-flic devenu acteur puis réalisateur de cinéma donnant un nouveau souffle au polar français moribond depuis les années 80, perso je dois avouer que ses...
Par
le 31 oct. 2020
16 j'aime
12
Du même critique
Ce commentaire n'a pas pour ambition de juger des qualités cinématographiques du film de Ladj Ly, qui sont loin d'être négligeables : même si l'on peut tiquer devant un certain goût pour le...
Par
le 29 nov. 2019
205 j'aime
152
Il y a longtemps que les questions morales liées à la pratique de l'Art Cinématographique, chères à Bazin ou à Rivette, ont été passées par pertes et profits par l'industrie du divertissement qui...
Par
le 15 janv. 2020
191 j'aime
115
Cette chronique est basée sur ma propre interprétation du film de Charlie Kaufman, il est recommandé de ne pas la lire avant d'avoir vu le film, pour laisser à votre imagination et votre logique la...
Par
le 15 sept. 2020
190 j'aime
25