Ira Sachs n'est pas Woody Allen, la comparaison n'a pas lieu d'être, ce n'est pas parce qu'il tourne ses films à New-York avec un statut d'auteur que cela fait de lui son successeur. Son nouveau film est une immense déception. Alors que Love is Strange m'avait séduit grâce à son duo d'acteur Alfred Molina et John Lithgow, ce ne sera pas le cas avec ce Brooklyn Village qui ne raconte rien où si peu.
Attardons-nous un instant sur le titre du film, Brooklyn Village. C'est un choix judicieux de la part du distributeur, car il faut bien avouer que Little Man est moins vendeur. Au-delà de l'aspect purement commercial, c'est surtout une trahison envers son auteur et le spectateur. Ira Sachs nous raconte un moment de la vie de Jake (Theo Taplitz), ce qui explique son titre original. Certes, cela se déroule au cœur de Brooklyn en pleine gentrification, mais cela ne reflète en rien ce long-métrage. C'est peut-être un détail pour vous, mais pour ma part, cela m'agace.
Après un couple d'hommes dans la force de l'âge, c'est un duo d'adolescents qui sert de moteur au récit. Cette période de la vie est celle qui me touche le plus. Je reste un éternel enfant et à travers le cinéma, je me replonge dans ces années d'insouciances. Pourtant, le film ne va pas me parler et les raisons sont multiples.
Une famille bourgeoise et ses pseudos problèmes existentiels, cela m'ennuie. Un adolescent solitaire traversant Brooklyn sur ses patins à roulettes; avec ou sans son nouvel ami sur une musique un brin excessive; cela m'épuise. Le visage monolithique de Paulina Garcia, me fatigue. La simplicité de l'intrigue : avec la gentrification de Brooklyn, le mètre carré a augmenté donc le loyer sera plus élevé, alors tu dégages, oui mais j'étais proche de ton père (ce sera répété encore et encore), alors que toi, non, oui mais je vais continuer ma carrière de saltimbanque alors je m'en tape de ta relation avec lui, tu raques où tu pars, puis c'est ma femme qui nourrit notre famille et je me sens émasculé, alors je veux la money, money, money pour retrouver ma virilité, sinon je vais devoir me doper au viagra, etc.... Je caricature un chouia, mais c'est en substance la trame du film avec celle de la découverte du monde des adultes et de sa terrible réalité, à travers les yeux d'un cliché d'adolescent face à un père descendant de son piédestal.
La perte de l'innocence, l'adieu à l'enfance où le passage à l'âge adulte, on peut définir ce moment dans la vie de Jake, selon ses souhaits. Ira Sachs pose sa caméra et filme ses personnages, en oubliant de nous raconter une histoire. Le film est dénué d'émotions et ses protagonistes manquent de profondeur. Le casting n'aide pas vraiment à relever le niveau de platitude de la réalisation. C'est l'ennui qui prend le pas sur l'infime intrigue. L'image du père n'est pas brillante, mais il en va de même de celui des mères. La première est reléguée au troisième plan et l'autre se débat sous les traits de Paulina Garcia (oui, je me répète, tellement elle m'a soûlé). Mais surtout, aucun d'entre-eux n'est intéressant et par répercussion, le film.
Un film mineur, qui manque de saveur. Le début me semblait prometteur, mais cela va rapidement devenir insipide et le duo d'adolescents n'est pas des plus brillants, à oublier.