"Bübchen" est un étrange objet âpre et rugueux du cinéma allemand de la fin des années 60, attaché à une certaine description du milieu de la classe populaire. Une ambiance et un ton aussi ternes, glauques et effrayants que l'histoire en elle-même : un jeune enfant qui tue sa petite sœur pour une raison indéterminée. Au cœur des enjeux, l'incidence de l'acte sur un petit groupe de personnes constitué autour des parents, ainsi que les raisons volontairement floues de l'enfant. Le cadre de l'étude se positionne à différentes échelles, la famille, les amis et les voisins, ou encore les adultes et les enfants, pour terminer sur le cocon familial d'une part et l'intervention extérieure de la police d'autre part.
Point de pathos ici, mais pas de sentiment bien dosés non plus : c'est une approche aussi étrange que dérangeante. Le côté presque documentaire du point de vue, ainsi que la thématique noire rappelle inévitablement le cinéma du voisin autrichien Haneke, et notamment la trilogie de la glaciation émotionnelle. Même s'il s'agissait d'une autre catégorie sociale (plus bourgeoise, dans "Benny's Video" mais encore et surtout dans l'effroyable et génial "Le Septième Continent"), les passerelles entre les deux univers sont nombreuses.
Peut-être qu'il aurait été intéressant de se focaliser encore davantage sur l'environnement du garçon, Achim, en explicitant très légèrement les motivations de son acte : curiosité, jalousie, inattention, ou éventuellement le résultat de l'ennui, cela ne sera jamais clarifié. La démarche est en soi intéressante, évidemment, elle instille le doute et attise le regard, mais elle détourne aussi quelque peu l'attention. Restent l'inattendu du sujet, la surprise du traitement, la performance de l'enfant-acteur, et la violence du coup asséné directement aux tripes.
[AB #102]