Des choses gentilles à dire sur ce film :
Généralement vouloir absolument faire tenir toute une épopée dans un film de 1 h 30, c’est désastreux. Au moins autant que de vouloir absolument rattraper la concurrence quand on est un studio vieillissant qui sent sa fin aussi proche qu’inéluctable. Un petit cumul qui loin d’enfoncer Buddha’s palm élève ce film estampillé Shaw brothers aussi riche que, coupes franches au sein d’un long récit obligent, brouillon, vers les sommets du wu xia pian fantastique et vers une place de choix dans le splendide corpus des bobines complétement barrées.
Quoiqu’elle puisse sembler décousue (les ellipses sont nombreuses et les personnages encore plus), l’histoire reste relativement simple : le parcours initiatique d’un jeune homme (Derek Yee) l’amène à se frotter à différents maîtres en arts martiaux rivaux, puis à les fédérer pour kicker le cul d’un gros méchant ricanant dont la jambe extensible permet de donner des coups de pied maousse à quiconque s’approche un peu trop près. Eh oui, si la structure du récit reste classique, ce qui va l’habiller en revanche va saturer les oreilles, irradier les rétines, triturer l’esprit et raviver le gosse plus ou moins ensommeillé qui y loge.
Sur la forme, ça n’arrête pas une seconde. Le montage est rapide. Les événements ne s’enchaînent plus, ils se percutent, à peine ponctués par l’intervention d’un narrateur qui complète moins les blancs qu’il insiste sur les points importants du récit ou leur impact émotionnel sur les personnages. Élément classique de l’épopée littéraire que vient compléter un certain classicisme formel : les décors sont somptueux, les costumes magnifiques, les effets visuels aussi divers que soignés, aussi artisanaux que parfois pioupioutesques. Le film est en effet nimbé par moments d’une aura un peu kitsch qui n’est pas sans rappeler le Flash Gordon de Mike Hodges. Le passif est d’ailleurs similaire, tous deux sont tirés de séries (série de film en l’occurrence pour Buddha’s Palm), elles-mêmes adaptées de BD. Une origine rappelée dans une ouverture post-générique au cours de laquelle déferlent avec frénésie une accumulation de silhouettes en papier découpé, onomatopées comprises... et de boules de feu et d’explosions.
Mais, là où les kitscheries de Flash Gordon relèvent de la fausse bonne idée et de l’accident (industriel au vu du budget du film), celles de Buddha’s Palm font partie intégrante du processus de création du film autant qu’elles en soulignent la folie furieuse. Buddha’s Palm est une espèce de maelstrom vibrant au son de synthétiseurs hors de contrôle dans lequel chacune des idées balancées entre deux verres de baijiu à 4 heures du mat’ vient trouver sa place : un pixiu boudinet (joué par deux types dans un costume) répondant au nom de Gros Bêta en guise de comparse animalier ; une arme mythique qui est en fait un sabre laser ; des combats contre des sorciers musiciens avec les idées folles et les incrustations qui vont avec ; il y a aussi des têtes qui explosent, qui se dissolvent et surtout un ennemi qui attaque au jet d’acide en pressant la pustule qu’il a sur le visage... Même la fin, un peu faiblarde et biomanesque en diable, s’inscrit parfaitement dans cet élan : Pour le moins expéditive, elle voit le méchant ridiculisé, le pantalon en lambeaux, partir penaud sous les éclats de rire des héros. Voilà. Image gelée. Merci. Bonsoir.
Au final, si le récit peu sembler difficile d’accès dans la mesure où il condense une épopée étendue sur plusieurs années réunissant des dizaines de personnages en un film d’une heure et demie et que le studio compte sur son public, familier de l’œuvre d’origine, pour combler les trous, ça n’est jamais vraiment gênant au final tant Buddha’s Palm déborde d’énergie, de magie, de poésie étrange et d’idées surprenantes. Encore faut-il lâcher prise dès le départ et accepter le film comme il vient.
Hum... ce film ne compte assez d'ingrédients pour jouer au bingo avec une grille de 36 cases, mais voilà quand-même les 17 ingrédients repérés
Personnage > Agissement
Bagarre > Valdingue à travers une vitre, une palissade, une porte... – Montre un truc du doigt
Personnage > Interprétation
En fait des caisses
Réalisation
Fin > Éclat de rire – Fin > Image figée – Ouverture ou fin > Voix off d’introduction ou de conclusion – Reconstitution de souvenirs, récit, accompagnés d’une voix-off
Réalisation > Accessoire et compagnie
Ambiance > Machine à fumée sur-exploitée – Piège > Trappe dans le sol (pour faire disparaître des gens gênants) – Pouet-pouet > Effet pyrotechnique hasardeux
Réalisation > Audio
Bruit incongru d’objet – Bruit exagéré > Coups donnés lors d’un combat au corps-à-corps – Bruit exagéré > Les épées, cannes, flèches, lances font woosh et cling !
Scénario > Élément
Merci, Captain Obvious ! – Un·e proche meurt sous ses yeux
Scénario > Situation
Bagarre > S’écrase sur une table pendant une bagarre
Thème > N’importe quoi
Accessoire > Objets qui scintillent trop
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Barème de notation :
- 1. À gerber
- 2. Déplaisir extrême et très limite sur les idées véhiculées
- 3. On s'est fait grave chier
- 4. On s'est fait chier mais quelques petits trucs sympas par-ci par-là
- 5. Bof, bof ; pas la honte mais je ne le reverrais jamais ; y'a des bons trucs mais ça ne suffit pas
- 6. J'ai aimé des trucs mais ça reste inégal ; je pourrais le revoir en me forçant un peu
- 7. J'ai passé un bon moment ; je peux le revoir sans problème
- 8. J'ai beaucoup aimé ; je peux le revoir sans problème
- 9. Gros gros plaisir de ciné
- 10. Je ne m'en lasserais jamais