Bullet Collector est un morceau de cinéma plus ou moins réussi, délibérément déviant ainsi qu'ambitieux. Il est difficile, au sortir du visionnage, d'enlever sa formidable identité cinématographique à ce long métrage qui affiche sans complexe une personnalité certaine. Cette singularité, reposant tantôt sur une atmosphère malsaine, tantôt sur d'audacieuses ruptures de ton est le point fort du film de Alexander Vartanov. Traversé de fulgurances évoquant le cinéma de David Lynch (principalement dans les premières minutes, minutes accompagnées d'une bande-son stridente, proche du larsen...) Bullet Collector n'en demeure pas moins inégal dans son intérêt, faute à un scénario bancal et tapageur.


Que raconte ce curieux Bullet Collector ? On devine de prime abord un semblant de réflexion sur la violence d'une jeunesse à la dérive, des conflits familiaux et une vague affaire de gang urbain, le tout vu à travers le regard d'un adolescent perturbé. La première partie du film, chapitrée, reste très confuse dans ce qu'elle cherche à raconter ou simplement transmettre... Il faut attendre le drame central pour que les choses s'éclaircissent, la seconde moitié restant davantage homogène car tenant essentiellement lieu dans un univers carcéral, univers dans lequel ledit adolescent cultive le cercle vicieux du crime organisé aux côtés de deux compagnons plus jeunes que lui. L'intrigue, sans être inexistante, reste tout de même un peu sommaire et racoleuse, d'autant plus que la violence exercée sur et par les jeunes n'est pas un sujet forcément original dans le cinéma contemporain.


Bullet Collector, arborant un Noir et Blanc sciemment esthétisant, gagne des points sur la forme, notamment dans son utilisation du cadre et de la musique. Il y a souvent de très jolies idées de cinéma, notamment dans la partie carcérale : ça saigne, ça cogne, ça joue du couteau tout en prenant son temps ; des formes oniriques s'installent sous nos yeux ; le montage séduit par sa modernité... L'aspect trash de Bullet Collector est suffisamment modéré pour être appréciable, malgré une ou deux séquences très ou trop explicites.


Le film ennuie pourtant par moments, trop flou dans ses intentions : s'agit-il d'une expérience viscérale, principalement formelle ? Du portrait au vitriol d'une jeunesse criminelle, principalement réflexif ? Il se dégage de Bullet Collector un talent indéniable, mais Alexander Vartanov brouille peut-être trop les pistes de lecture d'un film certes doué de qualités formelles mais scénaristiquement inabouti. Dommage.

stebbins
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le 30 avr. 2015

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