Fermes, boue, sons de cloches, temps maussade, tracteurs, pick-up, gueules de travers, carrure de minotaure, mécanos débilos, autochtones qui fleurent bon la consanguinité, bétail dopé, homme dopé. C'est pas joyeux dans la campagne du pays à Van Damme.
Je vais pas refaire tout le pitch il y a assez de résumés et bonnes critiques du film ici, d'ailleurs j'ai renoncé à en parler après avoir lu l'avis de Kenshin, le problème est que 10 jours après avoir vu ce film, j'ai l'impression de ne pas être complètement sorti de la salle, malgré le fait d'avoir vu pas mal d'œuvres entre temps. De ce fait, ma note est déjà montée automatiquement d'un point.
Pourquoi ce film ne me laisse pas tranquille et s'entête à rester dans mes pensées, parce que soyons honnête le scénario est original mais souvent mal exploité, on va pas dire qu'on s'y perd mais c'est un peu le bordel, et la fin du film patine clairement, néanmoins je garde des choses fortes qui me font espérer une sortie rapide en dvd pour que je puisse le revoir dans des meilleurs conditions que cette minuscule salle strabourgeoise, mal aérée où on était entassé comme dans une étable. (Ha!)
1ère chose: Jacky. Etant très loin d'être un spécialiste de cinéma belge, j'avais jamais vu quoi que ce soit avec Matthias Schoenaerts, on l'a dit et répété mais il bouffe carrément l'écran, difficile de regarder ailleurs quand il apparait. Transformé physiquement pour ce rôle, son apparence est aussi importante que son jeu d'acteur, qui est soit dit au passage absolument convaincant. Saluons aussi le reste de l'équipe, et l'enfant qui joue le personnage de Jacky dans le passé, impeccable et glaçant.

Si le personnage central porte le film, il n'en reste pas moins une histoire atypique. Le titre du film n'est pas forcément explicite dans sa traduction, d'ailleurs les doubles sens qui passent au dessus de nos esprits francophones sont nombreux, RundsKop est littéralement la tête de veau (de bétail..), mais aussi quelque chose qui s'apparenterait à la figure du gros con. Et des gros cons il y en a pas mal ici.
Le milieu rural et paysan dépeint ici est brut et joue allègrement avec les clichés. Des hommes qui vivent pour leurs boeufs, ont des femmes qui font la cuisine, un bordel dans le village pour se vider, ne sont pas instruits, ont une mentalité archaïque, ouvertement racistes, des rivalités pathétiques et violentes entre famille, et même si ce n'est dit à aucun moment on comprends bien qu'il y a eu certaines dérives consanguines vu la tronche et comportement de certains personnages.
L'enfant Jacky évolue donc dans ce milieu et connait bien son monde, les produits dopants administrés au bétail n'a pas de secret pour lui dès le plus jeune âge, on est sérieux dans les affaires dans la famille, d'ailleurs Jacky est un petit jeune intelligent et sensible, qui tombe raide amoureux de la belle wallonne de la ferme d'à coté. Mais tous ses rêves et ambitions, candides rêveries d'amour et de futur seront brisées entre deux pierres. Jacky ne sera pas un homme. Il sera un bœuf. Qui vivra parmi les siens, les autres bœufs. Les hommes ne pourront jamais lui donner d'affection, et lui, il devra vivre médicamenté à la testostérone, entrainant des accès de colère incontrôlables, ni par lui ni par personne, on arrête pas un bœuf. Les frustrations sont grandes, énormes, il ne connaitra pas l'amour qu'il a entrevu dans son enfance, il ne connaîtra même pas, comme tous les autres "têtes de veau" du coin la brève étreinte d'une prostituée. Uniquement les aiguilles qu'il s'enfonce chaque jour dans le cul, avant d'enfoncer d'autres aiguilles dans les culs des bœufs. La parenté entre Jacky et ses bestiaux est tragique, mais il ne lui reste que ça, les autres hommes-veaux l'ont tous clairement abandonné, par secret, par profit, par honte, les affaires familiales et la réputation passent avant. La bonne viande. C'était un accident toute façon, ça arrive.
Finalement l'enquête policière et la trame mis en avant dans le film est secondaire par rapport à ce que j'en garde, ce drame personnel et familiale d'une vie brisée à l'enfance me perturbe et réveille de drôles d'émotions, sur ce point le cinéaste a réussi haut la main son pari.


Woopo
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le 20 mars 2012

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