Chronique publiée sur Jugger Webzine
Le synopsis n'est a priori pas des plus alléchant. Bullhead (Rundskop en version originale) promet une plongée dans le monde du trafic d'hormones de bétail en Belgique.
Mais c'est loin de tous les clichés que le réalisateur Belge Michael R. Roskam nous emmène finalement.
L'histoire est centrée sur le personnage de Jacky, jeune éleveur flamand qui multiplie les contacts pour se créer un place de choix dans la « mafia des hormones ». Présenté dès les premières scènes comme une brute épaisse, son caractère complexe se révèle au fil de la pellicule.
Le film s'articule autour d'une scène centrale, flash-back 20 ans en arrière dans l'enfance de Jacky, dont je ne dévoilerais pas les détails, mais qui le hante encore aujourd'hui.
Très naturaliste, d'aucuns y verront l'influence du travail de Bruno Dumont (Hors Satan). Ce long métrage s'enracine profondément dans les travers de l'agriculture de masse, la course à la production toujours plus rapide pour toujours plus de rendement. Dans cet univers très masculin, rêche et boueux, l'homme se confond avec la bête. La performance de Matthias Schoenaerts (Jacky) y est pour beaucoup.
L'acteur Belge a en effet entreprit une transformation physique impressionnante pour les besoins de son personnage. 30 kilos de muscles plus tard et un exploit de maquillage pour lui donner un regard à la fois bovin et enfantin, le voilà paré à porter tout du long des 124 minutes du film le rôle tragique qui lui incombe.
Loin des stéréotypes du polar, Bullhead nous dévoile l'étrange relation qu'entretiennent les acteurs du milieu très fermé de la mafia des hormones, les seules ouvertures vers le monde extérieur se révélant destructrice, tant pour l'organisation que pour les protagonistes. Le réalisateur abandonne progressivement la narration des détails de ce trafic pour nous plonger dans la deuxième partie du film dans l'enquête, qui piège dans ses filets les personnages en faisant ressurgir les blessures du passé. La fin du film fait figure de course poursuite sans issues entre les protagonistes et leurs blessures.
Bullhead est une œuvre crue, qui ne s'adresse pas à tout le publics de part la puissance destructrice de certaines scènes. L'ambiance qui règne tout au long de la pellicule est sacrément malsaine, malgré quelques scènes d'humour noir typiques du cinéma belge. Michael R. Roskam transforme une histoire somme toute prévisible en véritable drame psychologique de part la complexité du personnage principal.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.