Fast & serious
Pour le novice désireux de se faire une idée de la quintessence des 70’s, le générique de Bullitt est l’exemple parfait : travelling latéraux sur le mobilier d’un autre temps, police de caractère,...
le 11 juin 2016
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Pour le novice désireux de se faire une idée de la quintessence des 70’s, le générique de Bullitt est l’exemple parfait : travelling latéraux sur le mobilier d’un autre temps, police de caractère, attention porté aux objets, cuivres chamarrés et percussion afro cubaines de Lalo Schifrin, rien ne manque.
Contrairement aux attentes qu’il peut susciter au vu de sa séminale scène de poursuite, Bullitt se distingue avant tout par sa lenteur. Porté par une mise en scène méthodique, investissant les lieux comme le fait l’enquêteur, le récit s’attache à montrer un homme au travail, qu’aucun obstacle ne fera dévier de sa route. De ce point de vue, c’est le visage sensationnel de McQueen qui fait l’essentiel du travail : concentré, marmoréen, entièrement rivé à sa tâche, il fait montre d’un professionnalisme bien loin des hystériques revanchards que les années Reagan vomiront par la suite. Incorruptible et droit dans ses bottes, le flic représente paradoxalement une école des anciens, face aux multiples détours que concèdent les politiques en place.
On pense, dans cet esprit, à un certain nombre de personnages de Michael Mann, experts isolés dans un monde aux repères qui s’effritent, du Solitaire à Heat, avec qui il partage aussi ses problèmes d’un couple sacrifié à des intérêts supérieurs, ainsi que la traque finale dans un aéroport.
L’intégrité du personnage n’a d’égal que celle de la mise en scène : minutieuse, professionnelle, elle est entièrement inféodée à la question de la lisibilité. C’est la raison qui fait de cette fameuse course poursuite un jalon du septième art. Dénuée de musique, tout comme de dialogue, voire d’expression faciale, elle se préoccupe de son essence, à savoir un parcours dans les rues de San Francisco. Raccords, jeu visuel sur les rétroviseurs, travail d’orfèvre sur les bruitages (vrombissement, freinages, suspension, mécanique…), immersion visuelle définissent un véritable modèle du genre, dont la descendance est infinie, de Vanishing Point à Death Proof de Tarantino.
Ou comment la lenteur dans une scène de poursuite effrénée permet d’accéder à sa véritable dynamique : une leçon de cinéma.
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le 11 juin 2016
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