Un nouvel opus de la franchise Transformers, aujourd'hui, ça frôle le non événement sur les pages du calendrier cinéma annuel.
Alors, vous pensez, Bumblebee... Le masqué allait zapper sans remords...
Jusqu'à ce que le nom de Travis Knight se substitue à celui de l'inoxydable Michael Bay au poste de réalisateur. Et là, Behind tressaillit. Parce qu'il se souvenait du chef d'oeuvre que constitue à ses yeux Kubo et l'Armure Magique. Tout comme il se souvenait que le gars était tout droit issu du studio Laika, matrice de la stop motion et usine à rêves réussissant le sans faute en termes de qualité et d'émotion.
Cet improbable attelage le rendait curieux, le masqué, pour tout vous dire.
Bumblebee prend donc la chronologie de la franchise à rebours pour mettre en scène, encore une fois, les origines de la lutte et la chute de Cybertron. Rien de bien neuf, en somme. Sauf que l'on se surprend à penser que la licence Transformers, d'un peu plus de dix ans d'âge, devient déjà gâteuse en répétant encore et encore ses origines divergentes.
Et le masqué de bailler, déjà, même si, de manière fugace, son inconscient souffle qu'il y a ici quelque chose de différent. Et on y fait d'abord pas trop attention. Car voici venir le jeune héros, ou héroïne, avec sa famille bof (et beauf), son trauma lié à l'absence et ses péripéties adolescentes... Comme dans tous les teen movies habituels.
Mais peu à peu, ce énième Transformers mue, change de peau.
En s'éloignant de l'action boursoufflée et sans âme, décérébrée et inconsistante, en mode gonzo écoeurante. En s'éloignant des effets spéciaux ostentatoires et finalement sans grand sens que la seule performance technique et le nombre de pièces de modèles 3D gérées. En ne misant plus sur un certain art de la destruction totale et inconséquente en mode surenchère, presque anesthésiante tellement elle s'avère irréaliste.
Le triste tableau brossé par les différentes suites estampillées Transformers, Bumblebee l'ignore presque totalement, comme il ignore l'héritage idiot et de mauvais goût du style Michael Bay, ses pétarades vaines, ses plans en contre plongée sur des couilles de robot au pied d'une pyramide et l'outrance de la représentation de la femme qui ne sera jamais envisagée qu'en mode pétasse fantasmée.
Bumblebee réussit donc l'impensable : se détacher de la bêtise de sa matrice et de se mesurer assez facilement à l'opus initial qui avait réussi, malgré tout, à s'emparer de l'esprit tout américain de liberté adulte lié à l'acquisition de sa première voiture.
Tout en rajeunissant un peu son coeur de cible et en mettant en scène, une héroïne un peu plus travaillée que la moyenne des scénarios passe-partout et, surtout, un robot auquel, enfin, on s'attache et pour lequel on ressent quelque chose.
De tels sentiments renverront, en quelques occasions, à des chefs-d'oeuvre comme E.T. l'Extra-Terrestre ou, encore plus évident, Le Géant de Fer. Et même si Bumblebee n'arrivera jamais à la cheville de ces deux monstres sacrés, le spectateur expérimente des sentiments assez neufs pour la saga tout au long de la projection. Par cette relation parfois émouvante, rythmée du nouvel eldorado de la BO eighties chaloupée et plutôt bien vue. A ce sujet, les plus vieux geeks éprouveront même une seconde d'enthousiasme quand ils entendront les premières mesures made in Oingo Boingo de Code Lisa !
Par les facéties maladroites et les sentiments d'un robot, ensuite qui semble prendre vie pour la première fois à l'écran. Alors qu'il ne constitue finalement qu'une CGI de plus dans l'histoire Transformers, Bumblebee, comme le chantait France Gall, a un tout petit supplément d'âme, un indéfinissable charme qui fait que l'on a plaisir à le suivre dans ses aventures, à s'inquiéter, à espérer, à le soutenir.
Le tout dans un film qui semble réduire son échelle : celle de ses enjeux, de son théâtre, de son action qui limitera drastiquement son aspect destruction totale pour privilégier une certaine forme d'humain et d'intime. Même si certaines facilités demeurent encore de temps à autres.
Ainsi, Bumblebee ne constitue en aucun cas le film du mois, c'est une évidence. Mais plutôt une jolie surprise au sein d'une série rincée et produite en mode automatique. Au point qu'à la fin de la séance, on distingue une fragile flamme se raviver. Celle d'un certain intérêt, si jamais une suite devait être envisagée. Et surtout si Travis Knight était reconduit à la barre de l'entreprise.
Et s'il avait compris comment transformer une franchise qui était sérieusement en train de rouiller ?
Behind_the_Mask, robot pour être vrai.