Bus Palladium !
Le titre me plaisait.
Il agissait sur moi comme la madeleine de Proust.

Rien qu'à son évocation, quelques effluves d'un passé trop lointain semblaient ressurgir...

Quand j'étais jeune, c'était cool d'aller au Bus.
Ca donnait du poids et de la consistance à la personnalité que l'on essayait de se forger pour tenter de séduire maladroitement des filles qui ne succombaient pas assez voire pas du tout.

Il faut dire qu'à l'époque, le Bus Palladium était le dernier club historique de la nuit parisienne alors que le Palace, l'Elysée Matignon allaient, ou venaient de fermer leurs portes.
En allant s'y enivrer le mardi soir car l'alcool était gratuit pour peu d'être bien accompagné, on fantasmait un peu sur les légendaires soirées ayant marquée le fameux numéro 6 de la rue Fontaine.

Des années plus tôt, on aurait pu y croiser les Beatles, boire des verres avec Gainsbourg, devenir ami avec Salvador Dali, découvrir Téléphone, danser avec les Ritas mitsouko ou expliquer à Alain Bashung qu'on lui ressemblait...

C'est parfois dur d'être né après la guerre !!!

Malgré tout, le Bus était peut être encore le dernier fief rock de la nuit parisienne à cette époque ou même le Gibus avait débranché les guitares de ses amplis pour y connecter des tables de mixage boostant le son d'une trance à 130 BPM.

Et moi j'aimais et j'aime toujours le Rock.

Le Rock et le Bus ont eu des destins liés jusqu'au milieu des années 90.
Durant les eighties, les cérémonies des "Bus d'acier" (sorte d'oscar des groupes de rock français) s' y déroulaient et récompensaient des artistes majeurs comme Bashung, les Ritas Mitsouko, les Béruriers Noirs, la Mano Negra, Noir Désir ou FFF à l'orée des années 90 avant de disparaitre en tombant dans l'oubli provoqué par la fièvre amnésique de raves party sans âmes.

Avec son film Bus Palladium, Christopher Thomson a voulu ressusciter les heures de gloires du Bus dans les années 80 en suivant de l'intérieur la trajectoire d'étoile filante d'un groupe de Rock.
De ses débuts prometteurs à son explosion en plein vol, Thomson nous emmène sur la route et nous fait découvrir ou redécouvrir les aléas d'une bande de jeunes à cheveux longs qui se rêve en Rolling Stones et qui se brulera les ailes dans la fièvre créatrice, les querelles intestines, les bras des groupies, les psychotropes, le business, la perte de l'innocence et la mort.

Si l'aventure de cette bande de jeune se suit avec plaisir, elle le doit à ses interprètes dont ne peut qu'émerger la magnifique et vénéneuse Elisa Sednaoui.
Cependant aussi divertissant soit-il Bus Palladium n'atteint jamais le niveau et l'intensité du Péril Jeune.
Pire, le coté Madeleine de Proust fantasmée que j'évoquais il y a quelques lignes est totalement absent.

Si le film est censé se dérouler dans les années 80, on ne s'en rend pas compte puisque rien ou presque rien ne nous le rappelle, à part les fameux "trois jours à Blois".
Le Bus n'est qu'évoqué et le groupe imaginaire "Lust" ne ressemble en rien à ce qui se faisait alors.

Au milieu des 80's, le Rock Français, appellation aussi anachronique soit-elle, connaissait l'avènement de la scène alternative.
Le rock de l'époque rimait avec la rage des singles et des concerts de Téléphone, de Lucrate Milk, des Dogs puis des Beruriers Noirs, du Cri de la mouche, de la Souris Déglinguée, des Porte Mentaux, de la Mano Negra, des Wampas, des Satellites et autres Washington Dead Cats ou Happy Drivers.
Ces groupes étaient composés pour la plupart de punks et de marginaux ayant fait leurs armes lors de concerts chaotiques dans les MJC des banlieues rouges ou des squats comme celui, légendaire, de la rue de Pali Kao près de Belleville.

Le groupe du film, "Lust", est à l'opposé de tout cela !!
Il ressemble d'avantage aux fameux groupes de Baby Rockers parisiens qui animent le Tryptique, le Klub ou le Gibus depuis quelques années.
Musicalement "Lust" sonne comme un ersatz des BB Brunes, des Naasts, Shades et autres Plastiscines.
Un ersatz plutôt réussi d'ailleurs que l'on doit au superviseur musical du film Yarol Poupaud qui fut le guitariste de l'un des derniers lauréats du Bus d'Acier (FFF) et qui est désormais le mentor musical pour toute cette génération de jeunes branleurs.
Comme les branleurs de ces groupes, les jeunes de "Lust" sentent d'avantage l'eau de cologne des beaux quartiers plutôt que la bière de la fête de l'huma des années 80.

Ce n'est d'ailleurs en aucun cas un reproche mais la simple constatation que Christopher Thomson s'est trompé d'époque et que son film est d'avantage un hommage à la scène rock actuelle qu'à celle des eighties.
Ces considérations mises à part, Bus Palladium a quand même de quoi faire triquer les jeunes ados du film LOL.
Pour les autres, Bus Palladium aura la saveur d'un Canada Dry quand le Péril jeune avait l'impact d'un shot de tequila frappée.

Il n'aura jamais la drôlerie d'un film comme Mes meilleurs copains qui traitait exactement du même sujet à une autre époque.
C'était la fin des sixties et le début des seventies et le groupe du film s'appelait "Gangrène Plastique".
Il tentait de changer le monde en s'adressant aux ouvriers exploités des usines avec un tube de mayonnaise et des filles aux seins nus avant d'imploser à la suite de leur confrontation avec le "bizness" à la Lou Bill Baker (Il faut voir Mes meilleurs copains pour comprendre).

ldekerdrel
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le 26 juin 2012

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