Le premier long métrage de Verhoeven est sur bien des points une ébauche de ce qui fera la suite de sa longue et prolifique filmographie. Ébauche, parce qu’il faut bien reconnaître qu’on est là face à un brouillon qui a beaucoup vieilli et qui ne fait pas montre d’une ambition démesurée : les 70’s sévissent en diable, tant dans l’image que la musique (on se croirait dans les comédies françaises avec Pierre Richard…) et l’aspect comédie est souvent très limité : tartes à la crème, gags poussifs tombant à plat, on est bien plus proche du gras de Benny Hill que du souffre d’un Fassbinder.


Il reste que certains germes apparaissent çà et là pour indiquer les grandes directions à venir : le portrait de femme, évidemment, à travers le quotidien de deux prostituées qui sera repris avec plus d’ampleur dans Katie Tippel, l’une d’entre elles se caractérisant par une audace à toute épreuve. Cette façon débridée de suffisamment connaitre la (basse) nature humaine pour pouvoir rire au nez des tenanciers de l’ordre moral traverse tous les films à venir, de Turkish Délices à Spetters, de La Chair et le Sang à Showgirls jusqu’à Black Book : la prostituée, la prédatrice sexuelle est un grand coup de pied dans les bijoux de la couronne, et une exploitation du monde phallocrate par ses faiblesses les plus évidentes.


Si le récit reste très convenu (en somme, le choix à faire entre poursuivre son métier ou rentrer dans le rang, devenir mère ou rester fille), c’est surtout le portrait de la gent masculine qui mérite le détour : maris pathétiques, compagnons brutaux, naïfs dépensiers : les hommes brillent par leur médiocrité. Et ce n’est pas les tentatives d’insertion sociale, sur le modèle Pretty Woman, qui permettront une pacification : pour Greet, l’indépendance est non négociable et la société figée un second plan à balayer du revers de la main.


Au-delà de cette dimension idéologique, c’est surtout sur la mise en scène des fantasmes que Verhoeven s’amuse le plus : vaste panorama de toutes les perversions, du SM à l’infirmière en passant par la maitresse d’école, Greet est la comédienne parfaite de l’imaginaire déluré des mâles frustrés. Le grand point commun de toutes ces scénettes reste le ridicule, et le sourire en coin de la salariée qui domine l’homme par sa tige insatiable et ses désirs régressifs, jolie figure du cinéaste naissant, et qui creusera ce sillon dans les décennies à venir.


Merci à Doc Jivago pour les indications archéologiques...


http://www.senscritique.com/liste/Cycle_Paul_Verhoeven/1018027

Sergent_Pepper
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le 22 mai 2016

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