L'itinéraire d'un enfant gâté

Un matin d'août 1976, Claude Lelouch a l'idée folle de se filmer en plein centre de la capitale, au volant d'une Mercedes 450 SL dotée d'un moteur V8 lancée à fond la caisse. Il est 5H30, le jour se lève. Le défi est de faire un contre-la-montre de moins de 15 minutes en une seule prise. Et sans aucun trucage. Et sans mesures de sécurité. Le carnet de route prévoit de tenir une moyenne d'au moins 80 km/h. Le cinéma n'est-il pas l'univers de tous les possibles ?
Le point de départ est la sortie du périphérique Porte Dauphine.
La ligne d'arrivée est la place du Tertre et la basilique Montmartre.

Moteur !

On fait donc des pointes à 200 km/h sur l'avenue Foch et sur les Champs Elysées,
puis à 160 km/h place de la Concorde,
et à nouveau à 200 km/h sur le quai des Tuileries.
En prime dix-huit feux rouges seront grillés, le principe du film de Lelouch est de ne jamais s'arrêter, rappelons-le.
Seule la rue Lepic, obstruée par un camion, va l'obliger à se rabattre sur la rue Caulaincourt qu'il va remonter à fond les manettes.
Arrivée place du Tertre en huit minutes, mieux que dans les temps impartis, l'exploit est réussi et, c'est le principal, la prise est bonne !
Mais le son du moteur n'est pas terrible. On sera donc obligé de refaire un second parcours à la même vitesse, à bord d'une Ferrari 275 GTB cette fois, beaucoup plus bruyante, en changeant les vitesses aux moments-clés !

Il faut bien sûr rappeler qu'en 1976 les voitures n'étaient pas aussi nombreuses qu'à l'heure actuelle, et que les limitations de vitesse, les interdictions et les radars n'étaient pas comme maintenant.
Mais il faut avoir en tête le nombre d'accidents de la route en 1976: 253 318 dont 13577 mortels.

Ce mini-film est censé raconter une histoire en guise d'alibi. Celle d'un homme qui, de peur d'être en retard à un rendez-vous avec une femme, prend tous les risques en plein Paris. En réalité c'est le résumé de toute une carrière en huit minutes. Tout ça...pour ça ! Un Homme et une Cam revisité en Un plus une caisse, parce que l'Aventure c'est l'aventure et que l'Amour c'est mieux que la vie.
Mais je veux oublier le plaisir immédiat procuré par la performance sportive pour mieux réfléchir sur la prise de risque inouïe et sur l'inconscience du chauffard à la caméra qui n'a jamais pensé qu'il était un assassin en puissance. Si c'était à refaire...