Ce film, je l’ai attendu longtemps, très longtemps. Dès l’instant où j’ai vu It de 1990, j’ai voulu un remake bien que j’avais adoré le téléfilm. Je devais avoir douze ans à l’époque et pendant des années, j’ai suivi l’actualité concernant une adaptation cinématographique de It de Stephen King. Entre temps, j’avais lu le bouquin, et j’étais tout excité en 2017 en allant voir cette nouvelle version par Andres Muschietti.
En 2017, j’avais adoré le film, il était pas parfait, mais les scènes d’horreur étaient efficaces, on retrouvais l’esprit du bouquin et la cohésion du Club des Ratés brillait de sa superbe grâce à un casting d’enfants convaincants. Du coup, mon impatience s’était décuplée pour la suite.
Nous revoilà en 2019, première séance à 10h, j’allais enfin voir comment Muschietti allait mettre en scène la seconde partie du livre avec cette fois, les adultes. Et j’ai passé un moment de dingue, j’ai eu peur comme rarement ça avait été le cas au cinéma, encore une fois, je retrouvais cet esprit du livre, cette cohésion au sein du Club des Ratés, le film arrive à brasser nombreuses thématiques au sein du roman, visuellement ça envoie du pâté, les acteurs sont excellents, l’humour vraiment bon, et quand les lumières se sont allumées à la fin du film, j’étais vraiment satisfait. Alors quelle ne fût pas ma surprise quand mon ami à ma droite m’a révélé son avis…et qu’il était loin d’être positif.
En sortant de la salle, je me précipitais pour voir les avis, et l’avis général était que It 2 était un mauvais film, une mauvaise suite et que ça faisait pas peur. Partout où j’allais, les commentaires étaient négatifs, on me répondait que ça faisait pas peur, qu’on s’attache moins aux personnages et que… bah que c’était pas un bon film.
Le truc, c’est qu’à chaque fois que je repensais au film, ces défauts ne m’apparaissaient pas. J’arrivais pas à comprendre les avis négatifs. Peut-être, parce que je suis un fanboy, j’en sais rien, mais pour moi, les arguments négatifs qu’on me présentait me paraissaient creux. Est-ce que j’étais aveuglé par le fait que j’adore Stephen King ? Même pas, puisque j’avais détesté le dernier Simetierre. Du coup, histoire de palier à ces questionnements incessants (et surtout parce que j’avais envie), je suis allé revoir It 2 avec d’autres amis avec l’idée qu’ayant déjà vu le film, je pourrai peut-être prendre davantage de recul pour poser un avis argumenté sur ce film.
Et en revoyant It 2, de nouveaux arguments me sont apparus, des arguments positifs. Ma deuxième séance m’avait conforté dans le fait que ce film… est une tuerie. Je peux pas le définir autrement, ce film est une tuerie. Non seulement, c’est une excellente adaptation du bouquin, ce qui plaira aux fans de King, mais en plus, je trouve que c’est un des films d’épouvantes les plus aboutis que j’ai pu voir depuis belle lurette. Et je sais que je vais me mettre des gens sur le dos en disant ça parce que beaucoup m’ont dit cela : « It 2 n’est pas un film d’horreur ».
Cette affirmation est à double-tranchant et est selon moi, très révélatrice de l’échec critique du film. It 2 n’est pas qu’un film d’horreur, il est bien plus… tout comme le livre. Quiconque ayant lu le livre saura que malgré de véritables scènes d’épouvantes qui retourneront l’estomac du plus solide des hommes (les sangsues volantes à jamais dans mes cauchemars), le roman de Stephen King tend également à beaucoup plus. It raconte effectivement l’histoire d’une ville gangrénée par une entité surnaturelle mangeuse d’enfants, mais c’est aussi une histoire sur l’amitié, le rapport à l’enfance, la nostalgie, la puissance de l’insouciance et de l’imagination ; tout en posant un portrait cru et réaliste de l’Amérique des années 50 en abordant ses vices les plus profonds tel que l’homophobie, le racisme et la maltraitance aux femmes. Donc non, It le livre, ce n’est pas juste un roman d’épouvante, ce qui est également le cas du film. Et c’est pour ça que je dis que le It de Muschietti, et notamment son second volet, est une adaptation des plus réussies, c’est parce qu’il arrive à prendre ce recul tout comme le livre. Si Muschietti avait été con, il se serait contenté de ne montrer que des scènes d’horreur avec Pennywise. Les fans du bouquin ne s’y seraient pas retrouvés, et les spectateurs lambdas l’auraient simplement défini comme étant un bon film d’horreur, ce qui n’est pas le cas du travail de Muschietti.
Là, on est véritablement face à un film ambitieux qui ne tend pas à être « juste » un film d’horreur. Et est-ce que Muschietti a réussi à retrouver cet esprit du livre et l’incorporer à son long-métrage ? Bordel, mais tellement !
Qu’on se le dise, je pense que le travail d’adaptation de Muschietti est l’un des plus satisfaisants auquel j’ai pu assister, surtout quand on connaît le bouquin d’origine et sa narration des plus complexes. Non seulement, il réussi à nous offrir des scènes d’horreurs vraiment marquantes, mais il transpose avec brio les thématiques du bouquin et refait vivre ses émotions.
Concernant les thématiques, évidemment, on retrouve l’homophobie qui tient un rôle tout particulier dans le scénario de Muschietti. On a, comme dans le livre, l’agression d’Adrian Mellon par des homophobes qui permettra à Pennywise de l’attraper et de le dévorer (scène d’introduction qui a fonctionné comme c’est pas possible sur moi), mais Muschietti rajoute un détail qui a fait mouche chez moi. Je ne me souviens pas de ça dans le bouquin, donc je vais me risquer à dire que c’est une nouveauté dans ce film, mais ici, le personnage de Ritchi Tozier est montré comme un homosexuel refoulé. Bien que cela reste assez discret (il ne révèle son homosexualité à personne), le film disperse pas mal de détails pour nous le faire comprendre. Alors que je trouvais Ritchi dans le bouquin assez creux, cette homosexualité le rend tout de suite plus attachant, car le scénario joue sur sa relation avec un autre Raté, à savoir Eddie Kaspbrak. Ritchie passe son temps à taquiner Eddie, ce qui passe tout d’abord comme de l’amitié se transforme petit à petit en amour de la part de Ritchie. Ce petit détail donne bien plus de densité au personnage et lorsqu’on le voit pleurer à la fin, on est de tout cœur avec lui, et ça fonctionne.
Les quelques autres thématiques tel que le racisme et la maltraitance sont présents, moins que l’homosexualité certes, mais présents. Rien que la scène entre Bev et son mari (qui ressemble trop à Éric Clapton) est d’une violence rare au cinéma, et tout le long du film, on peut voir des traces de fouet sur ses bras meurtris par la violence conjugale. Et concernant le racisme à travers Mike, cette thématique était déjà pas mal présente dans la première partie, donc ici, elle passe un peu au second plan.
Donc voilà, niveau thématiques, c’est quand même bien plus dense qu’un Sinister et même de Simetierre. Et comme je le disais, le film arrive à retransmettre les émotions du livre. J’imagine qu’après, c’est personnel et chacun le ressent comme il veut, mais me concernant, ce film m’a ému. Ouais, j’avoue, y a des scènes qui m’ont personnellement déchiré le cœur comme d’autre m’ont fait rire, comme d’autres m’ont fait terriblement peur. Niveau émotion, j’ai eu des frissons quand les Ratés adultes se regardent dans les vitres de Derry et se revoient enfants, à la sortie de leur premier affrontement contre Pennywise. J’ai eu des frissons lors du discours sur le passage à l’âge adulte de Stan Uris, et une satisfaction folle quand le rêve de Ben s’exauce après vingt-sept ans de patience (et beaucoup de moments de friendzone). Alors oui, il y a des passages qui font parfois too much, la lettre de Stan à la fin est de trop et surtout incohérente avec le personnage, certains dialogues sont superficiels mais dans l’ensemble, les émotions fonctionnent du tonnerre, notamment grâce à une chose : les personnages.
Et bon sang de bordel de merde, je ne comprend pas comment on ne peut s’attacher aux personnages dans ce film. Alors certes, j’ai lu le livre, donc l’attachement est déjà fait, mais merde ! Il y a tellement d’interactions entre les personnages, tellement de liens qui sont tissés au fil du long-métrage, tellement d’enjeux à travers leurs dialogues que je trouve ça criminel d’oser dire qu’il n’y aucune chaleur qui ressort de ce groupe d’adultes. Les blagues que se lancent Eddie et Ritchie, le triangle amoureux entre Bill, Bev et Ben, la détresse de Mike, tout est fait pour que les personnages soient intéressants, denses et attachants. Chaque Raté à quelque chose à raconter à travers ses désirs et ses peurs. De l’amour inavoué de Ben à l’incapacité de faire son deuil pour Bill, de l’homosexualité refoulée de Ritchi à la lâcheté d’Eddie qui trouvera son moment de gloire en prouvant son courage, il y a de tout ! Pour moi, les personnages, c’est certainement la plus grande qualité de ce film et Muschietti arrive avec brio à rendre chacun d’eux attachant.
Et Pennywise bon sang, Pennywise. Je suis pas coulrophobe, mais je trouve les scènes avec Pennywise terrifiantes ! Non seulement parce qu’il peut prendre n’importe quelle forme et que niveau inventivité, Muschietti est un bon, mais surtout, je trouve la performance de Bill Skarsgard phénoménale. Il n’y a qu’à voir la scène sous les gradins avec la gamine, je trouve cet acteur sensationnel. Arriver à jouer un monstre qui joue la comédie devant des gamins pour les attirer vers lui, je trouve qu’il y a un double jeu qui est juste brillant. Parce que nous, en tant que spectateur, on sait parfaitement que ce clown déguisé est un monstre sanguinaire, et on sait que ses tics (mouvement des yeux, bave) révèlent sa monstruosité. Mais à côté, quand il se fait passer pour un clown en manque d’amitié, il semble tellement charmant que c’en est juste troublant. Ça, c’est la scène de la gamine sous les gradins, mais le film est rempli de passages qui m’ont filé la chair de poule. La pire étant la scène des miroirs avec sa conclusion des plus cruelles, ou encore la maison de Bev avec la vieille. Niveau scènes d’horreur, on est servi, elles sont à foison, et il y en aura forcément une qui fera effet. Certains critiquent les jumpscares, mais je ne les trouve même pas mauvais dans ce film. On connaît l’imprévisibilité du clown et son obsession à jouer avec ses victimes. Quand il apparaît derrière le dos des personnages ou se cache derrière un drap, ce n’est pas uniquement pour faire peur au spectateur, mais surtout aux protagonistes. Et étant donné qu’on s’attache à eux, on partage cet effroi avec eux, cette peur de voir surgir Pennywise à chaque recoin. Donc pour moi, la peur dans ce film fonctionne du tonnerre, les acteurs arrivent à la transmettre, et je crois que j’avais pas autant eu peur depuis belle lurette. On pourra me traiter de chochotte, mais sincèrement, ce It 2, pour moi… il fait très peur (à côté, je trouve des films comme Shining ou The Thing gentils).
Quant à la narration, je n’ai pas l’impression que beaucoup aient critiqué la longueur, mais l’ont plus constaté. En ce qui me concerne, je trouve que le film passe à une vitesse folle, et même au second visionnage, je ne me suis aucunement ennuyé. Là où je trouvais que le premier film avait ses longueurs, puisque le clown s’attaquait à chaque gosse un par un, ici, il n’en est rien, car la quasi-totalité des scènes font avancer l’histoire. Les scènes s’enchaînent avec un rythme effréné, et même toute la déambulation dans les rues de Derry par les personnages séparés (qui constitue une des longueurs du livre à mon sens) ne m’ennuie guère puisque chaque scène révèle la personnalité des personnages.
Enfin, certains ont trouvé le combat final long, mais c’est parce qu’il se fait en plusieurs étapes. D’abord, le Rituel de Chüd qui se révèle inefficace, puis les personnages qui doivent faire face une dernière fois à leurs peurs les plus profondes (Ben et la solitude, Bill et son frère, Bev et les hommes), et enfin, une fois qu’ils ont surmonté leurs peurs respectives, ils doivent comprendre comment fonctionne It afin de l’anéantir une bonne fois pour toute. Et j’ai entendu beaucoup de critiques concernant la façon dont ils le battent, mais mon avis est assez partagé. Oui, ils trouvent la solution à la dernière minute de façon assez miraculeuse, je consens. Puis on m’a dit qu’ils battaient Pennywise en l’insultant, ce qui est totalement faux. Ce qui touche véritablement Pennywise, c’est l’absence de peur imaginaire. Les enfants sont faciles à effrayer, car leur imagination les pousse à imaginer les pires choses possibles (ce qui permet à Pennywise de se matérialiser en ces peurs). Sauf que dans l’affrontement final, la réponse que lui donne le Club des Ratés est beaucoup trop terre à terre pour permettre à Pennywise de se transformer en quoi que ce soit, et c’est ce qui leur permet de le tuer. Les derniers dires de Pennywise vont d’ailleurs dans ce sens : « vous voilà devenu des adultes maintenant ». Bah oui, ils ont une bonne fois pour toute abandonné l’insouciance de l’enfance et leurs peurs en embrassant leur statut d’adulte. Donc non, pour moi, cette fin, elle a rien de mauvais, je la trouve même carrément plus cohérente que celle du bouquin, sans perdre les émotions qu’elle procurait.
Donc voilà, j’ai l’impression d’avoir fait le tour de la question. Pour moi, c’est évident que ce film est une réussite et que ses quelques défauts ne ternissent en rien l’expérience cinématographique qu’offre It 2. Je le trouve même meilleur que la première partie, et m’a même donné envie de relire le livre (alors qu’au départ, c’est loin d’être mon préféré de King). C’est très certainement une des meilleures adaptations qu’on ait pu faire d’un livre de Stephen King, un film d’horreur bien plus ambitieux que ce qu’on a pu voir jusque-là, et c’est juste un foutu bon film. Un film qui brasse tout un tas de thématique de manière subtile, tout en restant un divertissement efficace et offrant des scènes d’horreurs vraiment bonnes. Que puis-je dire de plus… Peut-être qu’à la lecture de cette critique, vous aurez, j’espère, envie de redonner une chance à ce film, si c’est le cas, c’est que je l’aurai bien défendu. En tout cas, je peux le dire sans crainte : It 2, c’est vraiment une tuerie.

James-Betaman

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