En 1988, Clive Barker bénéficie d'une aura indéniable dans l'horreur après avoir été révélé au monde entier via sa propre adaptation de sa nouvelle The Hellbound Heart, devenu Hellraiser au cinéma.

Après ce succès surprise, Barker donne son aval pour la réalisation de l'excellent Hellbound: Hellraiser II (où il écrira l'histoire de base - revue et corrigée par Pete Atkins - et servira de producteur excutif) et s'attelle à son nouveau roman: Cabal.

Cabal narre donc l'histoire d'un jeune homme nommé Aaron Boone qui rêve d'une cité des monstres appelée Midian, convaincu par son psy le Dr. Phillip K. Decker (hommage à Phillip K. Dick et son perso de Do Androids Dreams of Electric Sheep, Deckard) qu'il n'est autre que


le tueur en série qui a massacré plusieurs familles en l'espace de


quelques mois.


Après


une tentative de suicide,

Boone fait la connaissance de Narcisse à l'hôpital


qui lui parle de Midian et alors que l'homme s'arrache le visage, Boone


en profIte pour s'échapper et rejoindre Midian...


Le reste de l'histoire est connue de tous car fidèlement adaptée par Barker en personne...


Et non !, pas dans la version sortie en salle en 1990 !

E

n effet, Barker obtient le feu vert de la Fox et de la tristement célèbre boite de prod Morgan Creek, dirigée par le fossoyeur de cinéma qu'est James G. Robinson.

Robinson est le responsable du massacre effectué sur le


  • Legion de William Peter Blatty (qu'il retitrera Exorcist III - en obligeant Blatty à y inclure une ridicule scène d'exorcisme final tout en demandant des reshoots avec Jason Miller pour reprendre son rôle de Karras à la place de Brad Dourif...),
  • mais aussi le destructeur du plutôt pas mal Dominion: Prequel to the Exorcist de Paul Shrader, qu'il fera retourner à plus de 70% par Renny Harlin (donnant ainsi le vilain Exorcist: The Beginning et ses maquillages ratés) en arguant que la version de Shrader ne "faisait pas peur" et "manquait de gore" (!!!),
  • Freejack, dont le réalisateur Geoff Murphy indiquera que:

" [...]there was interference from production company Morgan Creek and then I asked for my possessory credit to be removed but they refused[...]


Malgré cela, (Freejack étant un projet ultérieur, car de 1991), c'est un Barker confiant qui met en image quasi-littéralement son roman.

Mais lorsque Robinson et les exécutifs de la Fox voient le Rough Cut (soit la version brute du film mis bout à bout), ils sont déçus de voir que les monstres sont finalement les good guys ("That's the point!" leur dira pourtant le réalisateur), ils vont commencer à mettre leurs sales pattes dans les bobines.

Ainsi, l'insupportable Narcisse (seul perso casse-burne/sidekick rigolo du film) mourrait originellement, mais les projections-test en décidèrent autrement, soit la même punition qu'avec:

  • Leatherface: Texas chainsaw Massacre III (1990) où le personnage joué par Ken Foree revenait d'entre les morts lors de la scène finale (alors qu'on ke voyait sombrer dans l'étang, la tronçonneuse de Leatherface lui ayant fendu la face de haut en bas...)
  • le perso joué par Mario Van Peebles dans la fin remaniée de Jaws: The Revenge (1987) où son personnage happé et entrainé au fond de l'océan réapparait miraculeusement ,
  • ou plus loin encore, Judge Dredd (1995) où l'insupportable sidekick de Sly ressuscitait sans aucune explication à la fin...

Chose inverse pour le policier interprété par Hugh Quarshie qui meurt dans la VC alors que dans le Rough Cut, c'est lui qui sauve Babette (la petite fille a.k.a la première créature que rencontre Lori lors de son arrivée à Midian) et est donc présent jusqu'à la fin...


Minute papillon, ceux qui ont vu le Director's Cut (DC) vont se dire "mais il raconte quoi lui ?, le Detective Joyce y meurt aussi en plein jour !

C'est là le truc...


Je ne vais donc pas traiter uniquement le DC ici, et encore moins la VC.


Non, je vais parler de Nightbreed: The Ultimate Cabal Cut, qui dure exactement 3h19 et que je viens de finir juste une heure avant de commencer à écrire ça !

Eh oui, m'sieur dame, il y a donc 3 version de Nightbreed (le nom du film en VO, alors que le titre français réutilise le titre du roman en VO, soit Cabal !! Cherchez l'erreur...)


Il y a donc:

  • la VC qui dure 101 minutes,
  • le DC qui lui va jusqu'à 120 minutes,
  • l'Ultimate Cabal Cut qui culmine à 199 minutes !

Tout le monde attendait le DC depuis des lunes (normal pour un film parlant de la Tribe of the Moon, me direz-vous) mais il était dit que les négatifs avaient été détruits, que le master du film était introuvable, tout ça...

Mais en 2009, Mark Miller (le co-dirigeant de Seraphim Films, la boite de prod de Barker) retrouve par hasard dans les locaux le workprint en VHS.

Ni une ni deux, il les envoient chez Phil et Sarah Stokes de www.clivebarker.info, qui vont les numériser et les transférer en en DVD, sans pour autant apporter une quleconque modification.

De fait, il manque le son sur certaines séquences, il y a une paire de scènes qui se répètent sous des angles différents mais qu'importe, ce workprint est diffusé lors du festival HorrorHound Screening...enflammant donc le web avec ce qui deviendra le myhte The Cabal Cut.

Russel Cherrington (un pote de Barker) lui demande s'il peut emprunter l'une des copies du workprint car il n'a pas pu aller le voir au festoche...mais en fait, le petit malin a dans l'optique de remonter le film en utilisant et le workprint ET les éléments du DVD pour donner une choérence narrative à l'ensemble (car encore trop disparate en tant que tel) et s'appuie sur le second script de tournage et le roman Cabal.

Il bosse sur ce projet pendant deux ans avec l'aide de Jimmi Johnson et présente le résultat lors du festival Mad Monster Party en Caroline du nord.

Maintenant plus cohérent que le workprint retrouvé en 2009, cette version est présentée à Morgan Creek mais ceux-ci sont encore dubitatifs sur la question.

Mais pour autant, ils n'empêchent pas la projection de cette version lors de différents festivals US.

Devant l'intérêt grandissant du public envers cette version,, une pétition fut lancée par Cherrington et d'autres fans pour demander à Morgan Creek d'autoriser officiellement le lancement d'une nouvelle version de Nightbreed les bobines manquantes et va pouvoir reprendre le tout et l'éditer en vidéo.

Il faut à nouveau presque deux ans pour remonter le film, ré-étalonner les images, tout ça et en 2014, sort donc le fameux DC qui s'appella pendant un moment The Cabal Cut...

...mais le dit Cabal Cut durait 159 minutes, puis 155 ouis 145 avant de finalement se retrouver avec une durée bien moindre de 120 minutes, soit celui distribué par Shout Factory.

En 2017, Seraphim remonte une nouvelle version en interne, rajoute de nouveaux éléments restorés en HD et propose à la vente 300 copies via Realclivebarker.com store pour une durée restreinte...et évidemment, tout a été vendu en un temps record !

Et début 2019, d'autres VHS contenant des dailies (ce qu'on appelle des rushes, ici-bas) furent redécouvertes et remasterisées (exceptées une poignée) et Nightbreed d'effacer le mauvais souvenir de la VC et d'enterrer le décevant DC, avec le fameux Ultimate Cabal Cut de 199 minutes...celui-ci même que mes yeux enchantés purent alors découvrir...

Mais alors, le DC ?

Ben franchement, pas terrible...

Le premier tiers du film est quasiment identique (à quelques bricoles près) et la storyline ne change donc guère et les trous dans la narration restent d'actualités.

Bien sûr, l'on y apprend un peu plus de choses et certains persos sont un peu plus creusés (Boone, Lori, Decker...) mais l'inoubliable Shuna Sassi (la femme porc-épic) est toujours aussi elliptique dans ses apparitions, la découverte de Babette n'a que peu changé et le climax final est toujours aussi mal monté et bordélique !

En effet dans l'Ultimate Cabal Cut, le climax final dure presque une heure !

Le nombre de monstres y est au moins multiplié par deux, la présence au sein de Midian itou et le massacre de ses habitants y est long et douloureux et génère une sévère empathie pour tous ces pauvres hères "anormaux" qui se font décimer sans fin et sans raison.

Cette (très) longue séquence est en fait le coeur du sujet que Barker voulait exprimer: les monstres ne sont pas ceux que l'on croit et les Midians pourraient figurer le génocide des Juifs ou des Amérindiens de par leurs différences envers les "bons" Cathos Blancs ou extrémistes...ce qui revient au même, en vérité je vous le dis !


L' Ultimate Cabal Cut a encore des défauts car:


  • Barker n'est pas un grand cinéaste et les scènes d'actions sont assez brouillonnes et peu excitantes,
  • le récit pêche encore par quelques bricoles (Lori qui ne flippe pas sa race en découvrant Babette sous sa forme féline, pas plus que lorsqu'elle rencontre Lylesberg avec ses branchies pleines d'oeils,
  • Boone est assimilé en quelques plans dans cet univers pourtant très fermé,
  • les scènes avec les flics rednecks sont ridicules et pleines de poncifs...),
  • les peintures sur verre dues à Image Nation (surtout les vues générales du cimetière) sont trop décelables et parfois très mal intégrées,
  • les costumes et design des Berzekers sont assez cheap et lorgnent du côté du bestiaire de Power Rangers (sans parler des cascadeurs qui ont du mal à se mouvoir dedans et le fait qu'ils auraient dû être filmés dans la pénombre avec de brefs plans, pour laisser l'imagination du spectateur combler les trous)?
  • l'acting général n'est pas très top non plus (excepté la magnétique Catherine Chevalier/Rachel et la très féline Christine McCorkindale/ Shuny Sassi)
  • Et finalement, le mixage sonore est atroce et j'en suis même arrivé à détester le score d'Elfman qui couvre une grande partie des dialogues (car cette version utilise la VC, le DC, la masterisation d'autres scènes jamais vues ni dans le VC ou DC et même une poignée de plans issues du Rough Cut en VHS).

Ceci étant dit, l'Ultimate Cabal Cut (UCC) est le film que Barker voulait faire, point !

20 minutes après avoir revu le DC, j'ai donc regardé le UCC (pour pouvoir déceler plus facilement les différences) et j'ai découvert un film autre où:


  • la première visite de Boone à Midian est deux fois plus longue que dans le DC et permet ainsi de restorer la grandeur de la mythologie de Midian Boone avance lentement aux aguêts, incertain de ce qu'il y fait et mettant en place une ambiance mystique indispensable pour ressentir quelque chose (alors que dans le DC, il franchit le portail, tourne à droite à gauche et s'assoit, avant que le chien ne le réveille, ne laissant aucune impression durable de son accomplissement de se retrouver enfin à Midian),
  • même chose concernant la découverte de Babette agonisant au soleil où ici, Lori avance lentement, entend des gémissements, cherche leur localisation et sa réaction à la vue de la pauvre créature est graduelle et pleine d'empathie. Rachel ne se fait ni entendre ni voir et souffre en silence alors que Lori s'agenouille à côté de Babette, tente de la rassurer, est touchée par son apparence et la prend d'elle-meme dans les bras sans savoir que faire (au lieu du cut rapide du DC et VC Rachel lui dit direct "Help Her" sans crier gare),
  • l'exploration de Midian par Lori nous la montre tour à tour effrayée, compatissante et même parfois émerveillée des créatures qui la peuplent, donnant à son personnage une profondeur bien plus prégnante,

la scène où Lori (encore elle !) se réveille dans la crypte voit sa durée multipliée par deux avec de beaux dialogues entre elle, Rachel et sa fille Babette, tout comme le flashback montrant les Midians

se faire exterminer par les religieux en toges noires qui de par son contexte permet plus d'empathie envers ceux


qu'on nomme les "monstres",


  • Decker

parle à son masque (qui lui répond), indiquant qu'il souffre d'un dédoublement de la personnalité, tout en en étant conscient (!!) et que c'est donc son masque qui lui dit

de tuer,

  • Shuna Sassi a droit à sa danse lascive dans le rêve au tout début du film (tronquée à la tronçonneuse dans le DC et hachée menu dans la VC) ainsi qu'une autre scène du même acabit avec son amant Peloquin)
  • n'oublions pas de mentionner le sous-texte gay qui imprègne la majorité du métrage (encore plus avec le UCC) où nombres de persos ont des traits gays (hommes ou femmes sans distinction) et où même les couples mixtes (gay ou pas) sont légions (la créature cornue et son amant Leroy Gomm et ses tentacules sortant du ventre, rappelant furieusement la version infernale du Dr Channard dans Hellbound: Hellraiser II...) car après tout, Barker n'a jamais caché le fait qu'il soit homosexuel...
  • et bien sûr comme je le mentionnais plus haut, le climax final où les rednecks massacrent les Midians, tellement démontratifs que l'on a vraiment envie de rentrer dans le film et de sauver les pauvres créatures de ces attardés bigots et intolérants (oh, c'est pareil !, me dit-on dans l'oreillette) qui tuent tous ceux qui ne leurs correspondent pas...

"Empathie" est le maitre mot du film de Barker, tout du moins comme il l'envisageait au départ.

Et c'est ce que donne totalement cet Ultimate Cabal Cut culminant à 199 minutes...

Si vous ne devez voir qu'une version du film, voyez celle-là !

Les autres ne font qu'effleurer les choses, y compris le Director's Cut que Barker n'a peut-être pas vu finalisé, car tellement loin, très loin de sa vision...

End Titles by Danny Elfman:

https://www.youtube.com/watch?v=8HY5AsBoEOk

Franck_Plissken
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le 25 déc. 2023

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The Lizard King

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