Woody Allen a souvent mis en scène des histoires tournant autour du monde du cinéma, avec plus ou moins de succès. Celebrity, par exemple, parlait avec beaucoup de maladresse des personnes prêtes à tout pour se faire une place à Hollywood. Café Society, lui, fait exactement l'inverse : ses personnages gravitent autour du système sans chercher à être sous les projecteurs, ce qui leur permet de poser un regard plus critique sur le monde du spectacle.


Les railleries viendront beaucoup du personnage de Vonnie, la secrétaire chargée d'apprendre les ficelles au neveu de son patron, Bobby. Son avis à contre-courant pique l'intérêt du jeune homme et leur permet de se rapprocher rapidement. Woody Allen parvient sans surprise à créer de la complicité entre les deux personnages avec beaucoup d'aisance. Le travail avec les acteurs, important chez le réalisateur, est une fois de plus impressionnant. Jesse Eisenberg s'approprie facilement le rôle de juif nerveux tandis que Kristen Stewart, bien que moins lumineuse qu'Emma Stone, développe un caractère posé et réservé qui la rend tout aussi attrayante. Les acteurs ayant déjà travaillé ensemble, le duo fonctionne bien et l'évolution de leur relation est tout à fait convaincante. Le cinéaste s'amuse d'ailleurs à développer leur intimité en faisant évoluer le cadre de leur discussions : elles se font au départ dans des lieux publics, puis dans un coin reculé d'un bar avant de se faire à la lueur des bougies.


A propos de bougies, la lumière est très belle. Depuis Magic in the Moonlight (voire même avant, je ne me souviens plus), le réalisateur s'attache à faire quelque chose de particulièrement soigné au niveau de l'éclairage, ce que l'on retrouve dans ce film. Allen crée des environnements chaleureux en utilisant peu de lumière (généralement les intérieurs) et propose parfois exactement l'inverse avec des scènes plus lumineuses qui échangent ce côté accueillant contre quelque chose de plus distingué (le premier plan est un bon exemple). Par ailleurs, Café Society fait intervenir des décors et des costumes dont la qualité impressionne. Ils sont souvent imposants, mais le travail de composition de Woody Allen efface toute opulence. Il m'est arrivé de me rendre compte de la beauté des environnements en plein milieu d'une scène tant ils sont mis en avant avec discrétion.


Je terminerai en parlant du ton du film. Café Society commence avec beaucoup de légèreté en suivant les attentes d'un garçon au moment de son entrée dans la vie active pour se terminer, des années plus tard, sur un homme accompli sur le plan professionnel qui contemple son passé. Le long-métrage chavire donc progressivement dans le dramatique et les épisodes de la vie de Bobby sont moins souvent joyeux, et sont parfois très triste, notamment une scène de retrouvaille dure, où l'on constate que les deux personnages sont partis dans des directions complètements différentes. Cependant l'ensemble ne vire pas dans le mélodrame, Allen n'hésite à multiplier les gags décomplexés sur les juifs pour redresser la barre vers quelque chose de plus neutre. Ainsi, la conclusion, ni heureuse ni malheureuse, arrive avec une émotion étrange, une sorte de mélancolie sans regrets...


"Life is a comedy... written by a sadistic comedy writer" comme le dit si bien Bobby.

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le 7 juin 2016

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