Comédie qui pleure
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le 12 mai 2016
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Avec ce nouveau film, qui ouvre le Festival de Cannes 2016, Woody Allen nous prouve, si besoin était, qu’il n’a perdu ni l’inspiration, ni l’élégance, ni l’humour, ni la nostalgie qui ont baigné la quasi-totalité de son œuvre. Une fois encore, le cinéaste traite avec légèreté des choses graves et le charme puissant qui traverse sa filmographie ne cesse de l'enluminer avec bonheur. Est-ce la raison qui fait dire à certains grincheux qu'il réalise toujours le même film ? Mais tout grand artiste, qu’il soit écrivain, musicien ou peintre, ne fait jamais que creuser en permanence le même sillon. Ainsi est-il facile de trouver des points communs avec certaines de ses oeuvres précédentes : "Radio Days", "Manhattan", "Celebrity" ou "Stardust Memories", clins d’œil habiles adressés au passé. Et comment envisager l'avenir sans convoquer le passé ? Woody le sait mieux que personne.
New York, dans les années 30. Coincé entre des parents conflictuels, un frère gangster et la bijouterie familiale, Bobby Dorfman a le sentiment d’étouffer. Il décide donc de tenter sa chance à Hollywood où son oncle Phil, puissant agent de stars, accepte de l’engager comme coursier. À Hollywood, Bobby ( excellent Jessie Eisenberg ) ne tarde pas à tomber amoureux de la jeune et ravissante secrètaire de son oncle ( Kristen Stewart ). Malheureusement, la belle n’est pas libre et il doit se contenter de son amitié. Jusqu’au jour où elle débarque chez lui pour lui annoncer que son petit ami vient de rompre. Soudain, l’horizon s’éclaire pour Bobby et l’amour semble à portée de main…Mais de nouvelles difficultés vont apparaître pour contrarier ses espérances et décider de sa vie…autrement.
Outre les années 30, décennie sacrée pour le réalisateur, et le jazz New-Orléans dont on sait combien il l'apprécie, Woody reprend nombre de ses thèmes favoris : le juif new-yorkais, la sculpturale et tendre californienne, la délicieuse atmosphère d’un passé révolu. Chacun des personnages est conscient qu’il ne laissera pas de trace dans ce beau monde clinquant, aussi s’en remet-il à ses rêves qui expriment sans doute le meilleur de lui-même. "Dreams are dreams" se répète Bobby comme pour mieux s’en convaincre. N’est-ce pas Woody lui-même qui, méditant sur sa fin prochaine, est conscient que la poésie de l’inaccessible est ce qu’il y a en nous de plus persistant et de plus vrai. Soulignons à ce propos combien la photographie de Vittorio Storaro, est pour beaucoup dans la réussite de « Café Society », oeuvre d'un magicien de l'image. Chaque plan est une merveille, d’une richesse époustouflante en matière de lumière, de couleur et de contraste. Et la même poésie se dégage de chaque scène, comme si les protagonistes baignaient dans un univers fantasmagorique. Et je n'oublierai pas la musique jazzy merveilleuse et les acteurs : la formidable prestation de Jessie Eisenberg toute en nuance et en finesse, la grâce délicate de la très jolie et charismatique Kristen Stewart qui illumine la pellicule, et les silhouettes hautes en couleur des personnages secondaires qui parcourent le film et lui confèrent sa réalité tangible, dont Ben, le beau-frère de Bobby, ce mauvais garçon qui a la gâchette facile et tue sans atermoiement, l'autre beau-frère qui se sent en permanence responsable de son prochain, enfin le père qui bougonne constamment contre le silence de Dieu - (mais pas de réponse, c'est déjà une réponse). Pour toutes ces raisons, et pour bien d’autres encore, « Café Society » ne peut être réduit à un simple prolongement de l’œuvre de Woody Allen, mais bien à une forme de renaissance, conduite de main de maître par un expert du 7e Art et un homme aux nostalgies d’une incontestable poésie. Cela, pour notre plus grand bonheur. Courez voir ce petit bijou. Vous ne serez pas déçu. {1]
Créée
le 12 mai 2016
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2 j'aime
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