Les scandales que traîne ce film sulfureux ne doivent pas faire oublier l'aspect esthétique, avec des décors somptueux et gigantesques de Danilo Donati, le décorateur de Fellini, des milliers de costumes et figurants, de même que l'alibi culturel cautionné par l'écrivain Gore Vidal, auteur du script initial, et par de prestigieux acteurs shakespeariens, dont la prestation désenchantée et morbide de Peter O'Toole reste dans les mémoires en empereur Tibère sur le déclin et rongé par le stupre. Mais les séquences érotiques, voire pornographiques de ce péplum colossal ont laissé bien-sûr une impression indélébile dans les esprits ; par ailleurs, ces plans rajoutés par Bob Guccione le producteur (et accessoirement le patron du magazine Penthouse) à la version "soft", sont très bien filmés, mais il est vrai que certains sont d'une très grande audace, surtout en 1977 (le film n' est sorti qu' en 1980). Le plus drôle c'est la musique de Romeo et Juliette de Prokofiev, ou d'autres morceaux classiques qui rythment ces ébats, le décalage est savoureux.
Après tout, la version soft comportait déjà des scènes érotiques, le sujet l'exigeait, et Tinto Brass n'a pas fait sa carrière en réalisant des contes de fée, mais bel et bien des films érotiques, dont le plus fameux est Salon Kitty, au parfum de scandale presque aussi fort que Caligula, en même temps qu'il lançait la mode du nazi-porn. Cependant, Caligula gagne quand même à être vu dans sa version intégrale de 2h40, et on reste abasourdi devant certains plans violents au sadisme répugnant (dont certains excessifs et inutiles dans leur démesure), par le jeu excitant de Malcolm McDowell qui habite littéralement le personnage, et quel que soit le jugement porté sur le film, la folie dévastatrice et joyeusement diabolique, ainsi que la puissance du pouvoir planent sur l'ensemble.
Il ne faut pas s'attendre à voir du péplum à l'ancienne, comme à Hollywood ou à Cinecitta, où tout était balisé par la censure, Guccione a justement voulu restituer la crudité, les débauches, la démesure excentrique et la violence de l'empire romain, ce postulat de base reste intéressant et honnête. Le seul reproche qu'on peut faire à ce film, c'est hélas les dizaines de mauvaises imitations et de copies éhontées qu'il a suscité et qui n'ont été tournées que dans un but purement pornographique ou parfois érotique soft. A noter enfin qu'on y voyait les débuts d'une jeune actrice britanique, Helen Mirren qui déjà attirait l'attention.