Dans la grande tradition du film de consanguin Calvaire décris un univers rural isolé où les ambiances sont aussi étranges que lourdes. Ici nous avons une campagne en plein hiver, sous la neige, peuplée par des braves qui passent leur temps à boire au seul bistrot du coin et qui se détendent en ayant des rapports sexuels avec des veaux.
Le premier contact de Marc, le personnage principal joué par un Laurent Lucas monolithique au dernier degré, se fait avec Bartel (Jacky Berroyer, impeccable), un type avenant mais déprimé suite au départ de sa femme. Les choses dérapent quand Bartel croit voir en Marc la réincarnation de sa défunte épouse.
Le personnage de Marc est froid et austère comme c'est pas permis. La démarche vise sans doute à justifier pourquoi tous les personnages projettent leur manque d'affection sur lui tant il ne dégage pas de personnalité propre, comme une toile blanche pour un peintre.
Le gros soucis c'est que la démarche tant à nous dissocier totalement du personnage et qu'assez vite on ne s'intéresse plus vraiment à son sort et donc plus non plus à son calvaire.
En revanche le personnage de Bartel captive bien plus, il faut dire que Jacky Berroyer est parfait dans ce rôle arrivant à être franchement inquiétant tout en restant touchant. On lit la détresse de cet homme perdu face à lui même lorsqu'il torture Marc. Assurément la pièce maitresse du film.
L'empathie que l'on ressent pour Bartel est par ailleurs renforcée lorsque l'on découvre les habitants du village voisins, dont le leader est campé par un Philippe Nahon en terrain familier.
La rivalité et le contentieux qui existe entre les deux viennent renforcer un climat déjà bien lourd et triste.
Tout ceci est scruté par la caméra froide de Fabrice Du Welz. Une réalisation millimétrée et inventive parfaitement servie par la lumière magnifique de Benoît Debie (Irréversible, Enter The Void).
Techniquement le film est assez éblouissant, on ne peut pas reprocher au réalisateur belge de ne pas savoir ce qu'il fait, car il le sait très bien et son film est d'une maitrise exemplaire.
Un film bourré de qualité mais pourquoi aussi peu d'enthousiasme ?
Tout simplement car je n'ai pas réussi à rentrer dans le film. La distance permanente qu'entretient Du Welz avec Marc est un frein difficile à passer. Le film est vraiment trop froid, trop intellectualisé et pas assez viscéral. Malgré toutes ses qualités le film se suit de manière assez neutre au final, ce qui est dérangeant pour un sujet pareil, vous en conviendrez.
Ajoutons à cela certaines scènes dont l'intérêt véritable m'échappe (la danse des pingouins au bar est assez ridicule dans le genre) et on arrive à un objet filmique délicat aussi bien par son sujet que par le regard que l'on peut porter dessus.
Le ton distant de la réalisation donne un aspect assez artificiel sur la longueur et peut vraiment ternir l'expérience. Cependant il est impossible de ne pas voir les qualités bien réelles du film. Calvaire est le genre de film aussi difficile à recommander qu'à contre-indiquer. Aussi conne, vaine et éculée que puisse être la formule "à voir pour se faire un avis", elle s'applique parfaitement dans ce cas ci.