Dans une petite bourgade belge venant presque d’une époque lointaine et moyenâgeuse, Fabrice du Welz fabrique avec minutie mais non sans une pointe de bêtise un film de genre horrifique bancal et ultra référentiel sur le « Calvaire » d’un chanteur de galas séquestré par un vieil homme devenu fou depuis la disparition de sa femme. Fantasme de vieilles rombières en manque d’affection vampirisant les maisons de retraite, il deviendra la poupée d’hommes arriérés et névrosés par l’absence de femmes. Ce cadre social défavorisé émotionnellement est instauré dès le départ, avec cette vieille femme à la gueule ravagée par la souffrance qui vient lui faire des avances dans sa loge. Se voyant rejetée, elle s’insulte, se traite de putain. Ce misérabilisme affectif est glauque, la violence est sourde, ces premières minutes donnent le pouls d’un film exacerbant les travers de la solitude dans un monde rural défenestré. Double facette, double regard, sur un personnage, un acteur, Laurent Lucas véritable caméléon à l’ambiguïté manifeste.
Le film de Fabrice de Welz est dans un premier temps la possibilité pour Benoit Debie, directeur de photographie de Gaspar Noe notamment, de se distinguer par une esthétique sublime, captant la mysticité de son environnement tant dans la brume extérieure que dans la luminosité des intérieurs. Il crée une ambiance pesante, lourde, permet à Calvaire de pouvoir s'accaparer une autre dimension horrifique. Calvaire parle d’amour, l’amour vache, tordu, cette solitude qui détruit mais est malheureusement un film qui n’arrivera jamais à sortir de sa léthargie, sa beauté plastique ne suffisant pas à faire éclore un déluge de violence absente, et ne sachant pas provoquer le frisson attendu. Calvaire est victime de sa linéarité, trop sur de sa force, une rage viscérale qui n’explosera pas. Et ce n’est pas faute d’avoir essayé, à commencer par l’affiche somptueuse du film qui annonçait une apocalypse sanglante emportant tout sur son passage. Après une première partie prometteuse s’appuyant sur une ambiance burlesque mais tendue, Calvaire tombera discrètement dans l’anonymat le plus total malgré les quelques cavalcades forestières sanglantes.
Cette forêt sortie de nulle part donne parfois naissance un monde fantastique s’insérant dans un réalisme un peu trop gras rappelant Groland. Avec ses personnages dégénérés de rednecks pourris par la crasse mais très peu attachants, ses gueules cassés de vieux loups de mers pervertis par leurs pulsions (Jackie Berroyer et Philippe Nahon), ses moments sordides artificiels et balisés comme symbole de vulgaires passages obligés remplissant un cahier des charges (zoophilie), ses séquences calquées sur ses références, son absence de propos et de charisme, le premier film de Fabrice du Welz a du mal à marquer réellement les esprits malgré cette volonté acharnée d’engouffrer son film dans une atmosphère malsaine et latente.