Pour la foi chrétienne, le calvaire est la représentation de la crucifixion du Christ, de la mort de ce Dieu fait homme et venu endurer le poids des péchés du monde. Cette notion est essentielle à la compréhension de Calvary, du réalisateur John Michael McDonagh, qui nous raconte les quelques jours d’un prêtre irlandais, alors que celui-ci est menacé de mort sous huit jours, par l’une de ses ouailles qu’il a reçue en confession. Le calvaire du Christ devient alors celui d’un de ces ambassadeurs. Film sur la foi, sur l’isolement d’une petite ville irlandaise et avant tout, film sur la solitude de ces hommes d’églises (très présente dans ces scènes du père Lavelle seul face à l’océan). Des prêtres tellement anachroniques de nos jours, car prônant des valeurs que notre monde bafoue un peu plus chaque jour.

Film moral sans être moralisant, Calvary aborde le sujet peu courant (et encore moins sexy) de la prêtrise au sein de sociétés modernes focalisées sur l’individu. MdDonagh l’aborde par le biais de ce prêtre en sursit, aussi bien par le biais de l’adultère, de l’homosexualité, que de la fidélité. Mais aussi à travers la question de la pédophilie, devenue cause de railleries envers le clergé, autant que de peur dans les yeux des parents. C’est peut-être là que le bât blesse, par cette multitude d’histoires secondaires, nécessaires, mais survolées par un film relativement court. Nécessaires pour montrer que le père Lavelle prend sur lui les pêchers de ses contemporains, superficielles car peu d’entre elles sont approfondies, à part peut-être sa relation compliquée avec sa fille Fiona.

Pourtant, ces historiettes fonctionnent assez bien, réservant de petits moments de grâce (divine ?), mais laissent parfois un goût d’inachevé. Probablement par cette mise en scène qui, si elle ne transcende pas son sujet (qui le méritait pourtant), capte à merveille la stupéfiante beauté des sauvages paysages irlandais. Ceux d’une verdure, tellement présente qu’elle semble dévorer ce qui vit là, ceux d’un océan glacial et violent, d’un bleu sombre et tirant sur un noir mortel. McDonagh prend le temps, tels ces dieux que sont les metteurs en scène, de se pencher sur ces personnages, de souligner leurs douleurs tout en scellant leur destin. Il nous prend d’affection pour le père Lavelle, homme respecté et aimé, sorte de grand ours, jadis marié et heureux père, devenu homme d’église dans l’espoir de trouver un sens à la mort de son épouse.

Ces petites histoires doivent aussi beaucoup à une kyrielle de seconds rôles, de personnages qui gravitent autour du père et justifient son sacerdoce. Parfois touchants, parfois pathétiques et souvent farfelus, de ceux qu’on aurait retrouvés sans surprise chez Wes Anderson. Malgré tout, le couple père et fille, habité par deux merveilleux comédiens, Brendan Gleeson et Kelly Reilly, efface peu à peu les autres. Lui est un géant massif est bourru, mais forcément des plus touchants, comme tous ceux qui cachent leur belle sensibilité derrière leurs visages burinés par les embruns. Elle, est toujours d’une beauté fracassante, qui ne s’est jamais démentie depuis Les Poupées Russes, pleine d’une fragilité qui laisse transparaître l’âme touchée et touchante d’une femme se nourrissant de sentiments.

Calvary n’est pas à proprement parlé le film de l’année, mais sur le thème du rôle de la foi dans une société moderne, il est certainement ce qui s’est fait de mieux depuis fort longtemps. Regard désenchanté sur une société qui oublie « l’être » au profit du « paraître » et de « l’avoir », cette œuvre laisse un goût amer aux plus athées, car même si l’on ne partage pas cette foi, on peut en partager les valeurs et constater à travers cette galerie de personnages, que ces valeurs humanistes fondamentales disparaissent peu à peu, faisant des hommes d’église les comptables d’une civilisation qui s’éteint peu à peu au profit de l’homo consummeris (représenté ici par un formidable Dylan Moran), un constat clairvoyant tout autant qu’inquiétant.
Jambalaya
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le 9 sept. 2014

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